Le transport aérien reprend doucement son envol mais reste bouleversé par deux années de Covid-19 alors que le low cost tire son épingle du jeu.
Après avoir vu deux étés durant la plupart des avions cloués au sol, pandémie oblige, le secteur aérien reprend du poil de la bête. Signe de cette embellie, le groupe Paris Aéroport (ADP, anciennement Aéroports de Paris), qui comprend notamment les deux principaux hubs du pays - Roissy et Orly -, a publié récemment des résultats satisfaisants. Le trafic du mois de juillet pour les deux aéroports parisiens est en hausse par rapport à l'année 2021, avec 6 millions de voyageurs pour le premier (+ 3 millions de passagers) et 3,1 millions pour le second (+ 1,1 million).
Dans l'ensemble, ADP a retrouvé ses couleurs avec un trafic total - le groupe compte des participations dans plusieurs aéroports dans le monde, notamment celui d'Amman en Jordanie et de Santiago du Chili -, pour le mois de juillet, de 29,7 millions de passagers, soit 11,9 millions de plus qu'à la même période en 2021. S'il n'a pas rattrapé son retard par rapport au mois de juillet 2019, dernière année de référence avant le début de la pandémie, le trafic voyageur représente 83,7 % du niveau du trafic d'il y a trois ans. L'action du groupe figure d'ailleurs parmi les progressions majeures de l'indice SBF 120, qui comprend les 120 principales sociétés cotées à la bourse de Paris, et s'est hissée à 142 Epar titre le 18 août, contre 125 Eil y a un mois. En France, comme partout dans le monde, l'appel des vacances après des frontières fermées pendant près de deux ans, relance les départs à l'étranger. Et donc les vols internationaux. "Les gens attendaient de pouvoir voyager", explique Marc Ivaldi, enseignant à Toulouse School of Economics (TSE) et directeur d'études à l'EHESS (École des hautes études en sciences sociales), spécialiste du transport aérien. Après la suspension des dernières mesures anti-Covid au printemps, la tendance d'un retour à la normale se confirme (voir notre infographie). Si les chiffres de 2022 restent en deçà de ceux de 2019, les vols sont nettement plus nombreux que lors des deux étés précédents.
Un secteur bouleversé
Malgré les aides injectées aux compagnies aériennes pour compenser les pertes liées à la crise du coronavirus - Air France a touché de l'État français 7 milliards d'euros en 2020, 5 milliards en 2021 -, le secteur a été profondément bouleversé par ces deux dernières années. Si les opérateurs historiques s'en sortent, ce sont surtout les compagnies low cost, voire ultra-low cost, qui profitent e plus de cette reprise. Pionnier de ce segment, Ryanair affiche des résultats positifs pour les deux premiers trimestres de l'année 2022 après une année dans le rouge en 2021. Un phénomène qui s'explique par des destinations privilégiées comme le sud de l'Europe et le Maghreb, plus accessibles malgré la fermeture des frontières extra-européennes. "Les compagnies à bas prix n'étaient pas positionnées sur le trafic nternational" des long-courriers, souligne Yann Le Goff, collaborateur chez Air et cosmos et consultant sur les questions de transport aérien. "Elles ont une flexibilité plus importante que les compagnies historiques", ajoute l'expert.
Une "erreur d'anticipation" ?
Les compagnies low cost ont été également moins frileuses pour investir durant la crise sanitaire, anticipant un rebond de la demande. Avec 300 décollages quotidiens, Ryanair a augmenté son nombre de vols par jour par rapport à l'avant-Covid. Malgré des bons réulstats trimestriels, Air France n'a pas préparé la reprise du trafic avec autant d'application que ses concurrents low cost. Comme d'autres majors du transport, la compagnie nationale a dégraissé pour faire face à l'augmentation des coûts, ce qui conduit aujourd'hui à une pénurie de personnels dans le secteur aérien et provoque une belle pagaille dans les aéroports cet été. Une "erreur d'anticipation" , tance Marc Ivaldi, pour qui les compagnies aériennes "avaient peur d'une baisse de rentabilité". Face à la hausse du prix des carburants et l'inflation ui bouleverse l'économie mondiale, le secteur aérien n'est, logiquement, pas épargné. "Cette crise sanitaire n'a fait qu'accélérer des évolutions qui existaient déjà" , estime Mac Ivaldi. "C'est un marché sous tension, mais ça va bouger" , abonde Yann Le Goff, pour qui "tout ce modèle est hyper fragile". Une rélexion qui n'est pas sans rappeler celle du milliardaire britannique et patron du groupe Virgin, Richard Branson : "Devenir millionnaire, c'est facile. Commencez milliardaire puis achetez une compagnie aérienne".
Article paru dans La Nouvelle République du Centre-Ouest, le vendredi 19 août 2022. Propos recueillis par Guillaume Sergent
Photo d'illustration: Gary Lopater on Unsplash