Résumé:
L’espèce humaine vit en groupe. Nous avons évolué en groupes de chasseurs-cueilleurs pendant des dizaines de milliers d'années au Paléolithique. Aujourd'hui, nous appartenons à divers groupes, identifiés par le genre, la parenté, la classe sociale, l’origine ethnique, la religion ou la nationalité. Vivre en groupe depuis des temps reculés a façonné notre psyché pour faire la distinction entre les personnes appartenant à notre propre groupe - « in-group » - et les personnes appartenant à d'autres groupes - « out-group ». Comprendre le lien complexe entre l'identité de groupe, les préférences individuelles, et les comportements envers les membres « in-group » et « out-group » est au cœur de ce projet.
Un groupe peut être défini par des caractéristiques qui peuvent être considérées comme structurelles ou objectives comme celles mentionnées ci-dessus pour décrire les sociétés modernes. Un groupe peut également être défini sur la base d'aspects plus subjectifs. La théorie de l'identité sociale en psychologie sociale souligne que les gens font une distinction tranchée entre « nous » et « eux », même lorsque les groupes ne sont pas formés selon certaines caractéristiques intrinsèques, mais de façon aléatoire. Plusieurs expériences en psychologie, en économie, ou en sciences politiques reposent sur ce que l’on appelle le «paradigme du groupe minimal», dans lequel les participants sont affectés à des groupes en fonction d'un attribut artificiel (comme un code couleur). Il est généralement conclu que les sujets se comportent de manière excessivement coopérative au sein des groupes. Si les recherches expérimentales sur le favoritisme intragroupe dans les conflits intergroupes sont aujourd'hui bien développées, ce n'est pas le cas des recherches théoriques en sciences sociales. Un objectif majeur du projet GROUP est donc d'étudier, d'un point de vue théorique, la nature et l'évolution des préférences sociales reflétant une identité de groupe dans les conflits intergroupes. Cela pourra, ensuite, conduire à des études expérimentales plus ciblées sur les comportements intra-groupes dans les conflits intergroupes, lesquels ont été qualifiés de « problème du siècle » par des psychologues sociaux. Notre approche est principalement basée sur des modèles mathématiques et la théorie des jeux évolutionnaire utilisés en économie et en biologie, et sur des expériences contrôlées.
Le projet est divisé en trois parties. Dans la première, nous réexaminons la littérature sur l'économie des conflits inter-groupes à la lumière de l'économie comportementale, en considérant que les individus ont des perceptions biaisées ou des préférences sociales qui "regardent les autres". L'étape suivante consiste à déterminer s'il est possible de rationaliser l'émergence et la persistance de ce type de préférences dans les conflits intergroupes. L'objectif de la seconde partie est donc d'étudier les fondements évolutionnaires de certaines classes de préférences sociales en utilisant l'approche évolutionnaire indirecte. L'évolution ne joue pas directement au niveau des stratégies comme dans la théorie des jeux évolutionnaire standard, mais indirectement au niveau des préférences, lesquelles déterminent les comportements des joueurs et, in fine, leurs gains matériels. La troisième consiste en une étude expérimentale des comportements et des préférences dans les conflits intergroupes. Le premier objectif est de démêler les prédictions théoriques (potentiellement contradictoires) des comportements d'homo economicus et des comportements induits par des préférences évolutionnairement stables. Deuxièmement, les modèles évolutionnaires supposent une certaine convergence vers des états stables. Des expériences bien conçues sur les interactions à long terme entre groupes en opposition, peuvent nous renseigner à la fois sur les trajectoires dynamiques d’une population structurée en groupes, et sur une éventuelle convergence vers un état où les préférences sont stabilisées.
Abstract:
Humans are group-living species. We evolved in hunter-gatherer groups for tens of thousands of years during the Paleolithic era. Today, humans belong to various groups, identified by their gender, relatedness, social class, ethnicity, religion, or nationality. Living in groups since the pre-historic times have shaped the human psyche to discriminate between people belonging to our own group – “in-group members” – and people belonging to other groups – “out-group members”. Understanding the complex linkage between group-identity, individual preferences, and behaviors toward “in-group” and “out-group” members is at the heart of this project.
A group can be defined by characteristics that can be considered structural or objective like those mentioned above for describing groups of modern societies. A group can also be defined based on more subjective aspects like identifying oneself as a member of a specific group, and be recognized as such by the others. In this respect, the social identity theory in social psychology, emphasize that people make sharp distinction between “us” and “them”, even when groups are not formed according to some intrinsic characteristics, but by random assignment. Numerous experiments in psychology, economics, or political science, are based on what is called the “minimal-group paradigm” in which participants are assigned to groups according to an artificial attribute (such as a color code). It is generally concluded that subjects behave overly cooperative within groups. Whilst experimental research on in-group favoritism in intergroup conflicts is now well developed, this is not the case for theoretical research in social sciences. A major objective of the GROUP project is therefore to study, from a theoretical point of view, the nature and evolution of social preferences reflecting a group identity in intergroup conflicts. This, in turn, may help to conduct more focused experimental studies of in-group behavior in intergroup conflict, which has been called the “problem of the century” by social psychologists. Our approach is mainly based on state-of-the-art mathematical models and evolutionary game theory used in economics and in biology, and on controlled experiments.
The project is divided in three work packages. In the first work package, we re-examine the literature on the economics of conflict between groups in the light of behavioral economics by considering that people have biased perceptions or other-regarding preferences. The next step is to determine if it is possible to rationalize the emergence and persistence of this type of preferences in inter-group conflicts. The objective of work package 2 is then to investigate the evolutionary foundations of certain class of other-regarding preferences by using the indirect evolutionary approach. That is, evolution does not play directly at the level of strategies, or behaviors, as in standard evolutionary game theory, but indirectly at the level of preferences, which determine players’ actions and, in turn, individual fitness. Finally, work package 3 is devoted to and experimental investigation of behaviors and preferences in intergroup conflicts. The first objective is to disentangle the (potentially contradictory) theoretical predictions of homo economicus behaviors and behaviors induced by evolutionarily stable preferences. Second, the evolutionary models suppose some convergence towards evolutionary stable states. Properly designed experiments on long term interactions between opposing groups, can inform us both about the dynamics of a population structured in groups, and about a possible convergence towards a steady state, for which preferences are stabilized.