Nos démocraties ne survivront pas deux fois à des ajustements brutaux comme lors de la dernière crise. Il faut mettre au service de l’euro les techniques traditionnelles de l’assurance.
Assurer l'euro, fournir des assurances macroéconomiques au sein de l'euro, est essentiel pour la survie de la zone. Le vrai danger pour la monnaie unique, ce sont les chocs négatifs asymétriques qui doivent être absorbés par les seuls pays en crise (avec trop d'austérité et des baisses drastiques de masse salariale et de prix). C'est létal : nos démocraties ne survivront pas deux fois à des ajustements brutaux comme lors de la dernière crise. Il faut donc partager, mutualiser ces chocs. Quatre options sont possibles : fédéralisme budgétaire, union bancaire, marchés et assurances privées.
Premièrement, les pères fondateurs de la monnaie unique (Mundell, comité Delors) espéraient qu'un budget fédéral européen absorberait les chocs asymétriques, comme aux Etats-Unis. Hélas, sans Union politique (refusée par la France), un budget fédéral européen est impossible - les Allemands rejetant toute union des transferts budgétaires. Exit le fédéralisme budgétaire pour absorber des chocs asymétriques.
Deuxièmement, l'Union bancaire était censée renforcer le système bancaire. Hélas, elle interdit de facto les fusions transfrontalières entre banques et empêche les banques d'utiliser les dépôts d'un pays pour prêter dans un autre. Exit l'Union bancaire.
Troisièmement, les marchés financiers : ils peuvent certes diffuser géographiquement et mutualiser certains risques. Mais c'est limité : les marchés obligataires ne concernent que les Etats et les grandes entreprises et excluent les PME. Surtout, ils diffusent insuffisamment le risque. Les épargnants achètent surtout des dettes de leur pays (car ils les connaissent mieux), plutôt que de diversifier géographiquement leur épargne (ce qui serait plus sûr). Les marchés sont aujourd'hui insuffisants pour absorber les chocs asymétriques en zone euro.
La quatrième solution est peu discutée : l'assurance (ou la réassurance). Il faut mettre au service de l'euro les techniques traditionnelles de l'assurance pour absorber les chocs asymétriques. Comment ? Il faut d'abord s'appuyer sur les principes de l'assurance privée : la neutralité actuarielle (pas de transferts ex ante entre contractants, qui deviendraient des subventions politiques - ce que craignent les Allemands), pas d'aléa moral et pas de sélection adverse ; enfin, des prix de marché. L'assurance macroéconomique de l'euro impliquerait que les banques assurent jusqu'à 49 % de leurs risques pris sur leurs clients et contreparties, que les banques s'assurent contre le risque de faillite (en payant des contreparties qui renfloueraient leurs fonds propres en cas de résolution - faillite - telle que prévue par l'Union bancaire).
L'assurance de l'euro impliquerait aussi que les systèmes nationaux d'assurance-chômage soient partiellement européens, que chaque pays s'assure contre les retournements conjoncturels brutaux - via des « swaps » indexés sur le PIB, par lesquels les pays enverraient à un assureur (probablement le Mécanisme européen de stabilité) les recettes exceptionnelles de leurs impôts quand leur croissance est au-dessus du potentiel et qui, inversement, recevraient des sommes équivalentes en cas de récession. Ces risques seraient revendus en dehors du pays et, en partie, en dehors de la zone euro.
Qui seraient ces assureurs macroéconomiques ? D'abord les assureurs traditionnels, dont c'est le métier. Nécessaires, ils sont insuffisants car pas assez gros par rapport aux pays. Ensuite, les grands investisseurs mondiaux (fonds souverains, réserves en devises des banques centrales, fonds de pension) auprès de qui les assureurs pourraient se réassurer. Enfin, les institutions internationales (FMI, MES), notamment pour l'assurance cyclique. Sans un fédéralisme budgétaire improbable, assurer et réassurer la zone euro contre ses risques asymétriques est essentiel. A défaut, la zone euro explosera à la prochaine grande crise.
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