Résumé:
La transition vers des systèmes alimentaires durables est un enjeu crucial de politique publique, du fait des coûts externes et des impacts de la consommation alimentaire sur la santé et l’environnement. La littérature scientifique identifie les régimes alimentaires durables, mais ces régimes sont loin des préférences alimentaires révélées par les choix des consommateurs. Ils nécessiteraient des substitutions majeures entre et au sein des catégories de produits (Willett et al., 2019). Cette inadéquation résulte notamment d’habitudes alimentaires et de normes socioculturelles profondément ancrées et persistantes, des contraintes émanant des caractéristiques de l'offre (accessibilité, prix et qualité des produits), et de la concurrence entre les usages du temps dans la vie quotidienne (travail, transport, loisirs...). Ces préférences, et les enjeux d’inégalités sociales, compliquent l’acceptabilité des politiques d’alimentation durable. Jusqu’à présent, les travaux quantitatifs d’analyse des politiques publiques ont porté peu d'attention au rôle potentiel des préférences alimentaires dans les transitions. Dans cette perspective, le projet DynAPol combinera analyses économiques et sociologiques pour mieux comprendre la dynamique des préférences et des consommations alimentaires des ménages français en interaction avec les évolutions de la structure de la population, de l’offre et des politiques publiques. Le projet sera divisé en quatre parties. La première partie décrira la dynamique des consommations alimentaires des ménages et de leur qualité environnementale et nutritionnelle, à partir de données d’achats longitudinales du panel représentatif Kantar WorldPanel (2002-2019). Des profils de ménages seront identifiés en fonction des écarts entre préférences déclarées pour une alimentation durable, et préférences révélées par les achats. Dans la deuxième partie, nous examinerons les contributions spécifiques de trois types de facteurs à ces dynamiques des consommations et des préférences : la structure socio-démographique de la population, les contraintes de temps et de budget, et les caractéristiques de l'offre. Nous exploiterons les chocs du COVID-19 et de l’inflation 2022 pour révéler les tensions entre préférences et contraintes dans les arbitrages des consommateurs, et les changements de préférences déclarées induits par ces arbitrages. Ces analyses s’appuieront sur les données Kantar WorldPanel 2020-2023, harmonisées avec les séries antérieures. La troisième partie sera consacrée à l'analyse des politiques publiques, en considérant que les préférences sont hétérogènes et changeantes en fonction des profils de consommateurs et des dynamiques préalablement identifiées. Nous combinerons des approches quantitatives et qualitatives pour, d’une part comprendre les interactions entre acteurs publics et privés et leurs rôles dans la formulation et la diffusion de normes d’alimentation durable, et d’autre part mesurer l’impact des politiques lorsque préférences et offre évoluent simultanément. Dans la quatrième partie, nous utiliserons nos résultats pour identifier les politiques de régulation de l’offre permettant d’orienter les consommateurs vers une alimentation durable, en mettant l'accent sur la réduction des inégalités sociales et sur la minimisation des coûts en termes de bien-être grâce aux changements de préférence. Le projet permettra d’éclairer les stratégies de transition des systèmes alimentaires grâce à deux contributions innovantes. D’une part, contrairement à la littérature existante, nous développerons des évaluations économiques de politique publique en intégrant la possibilité de changements de préférences calibrés sur les dynamiques observées au cours des deux dernières décennies. D'autre part, en combinant les approches sociologiques et économiques, nous contribuerons à une meilleure compréhension des interactions entre la dynamique des préférences, les acteurs du marché et les politiques de régulation de l’offre.
Abstract:
The transition to sustainable food systems is a critical public policy issue, given the external costs and health and environmental impacts of food consumption. Sustainable diets have been identified in scientific literature but are far from the food preferences currently revealed by consumer choices. They would require major substitutions between and within product categories (Willett et al., 2019). This mismatch is due in particular to ingrained and persistent dietary habits and socio-cultural norms, constraints arising from supply characteristics (accessibility, price and quality of products), and competition between the uses of time in daily life (work, transport, leisure, etc.). These preferences, and issues of social inequalities, make the acceptance of sustainable food policies notoriously difficult. Quantitative studies of public policy have so far paid little attention to the potential role of food preferences in transitions. Therefore, the DynAPol project will combine economic and sociological analyses to gain a better understanding of the dynamics of household food preferences and consumption and their interactions with the evolution of the structure of the population, the characteristics of food supply, and public policies. The project will consist of four parts. The first part will describe the dynamics of food consumption and its environmental and nutritional quality using longitudinal purchase data from the representative Kantar WorldPanel (2002-2019). Household profiles will be identified based on discrepancies between stated preferences for healthy and sustainable food and preferences revealed by purchases. In the second part, we will examine the specific contributions of three types of factors to these consumption and preference dynamics: the socio-demographic structure of the population, time and budget constraints, and supply characteristics. We will also use the COVID-19 and 2022 inflation shocks to reveal the tensions between preferences and constraints in consumer trade-offs, and the changes in stated preferences induced by these trade-offs. These analyses will be based on the 2020-2023 Kantar WorldPanel data, harmonised with the previous series. The third part will analyse public policies, considering that preferences are heterogeneous and changing according to consumer profiles and previously identified dynamics. We will combine quantitative and qualitative approaches to better understand the interactions between public and private actors and their role in formulating and disseminating norms and standards of sustainability, and to better measure the impact of policies when preferences and food supply evolve simultaneously. In the fourth part, we will use our results to identify supply-side regulatory policies that can steer consumers towards sustainable diets, with a focus on reducing social inequalities and minimising the welfare costs by changing preferences. The project will shed light on food system transformation strategies through two innovative contributions. First, in contrast to the existing literature, we will develop economic evaluations of public policies by incorporating the possibility of changes in preferences calibrated from the dynamics observed over the last two decades. Second, by combining sociological and economic approaches, we will contribute to a better understanding of the interactions between preference dynamics, public and private stakeholders and supply-side regulatory policies.