Aux collectivités de sortir des sentiers battus pour tirer parti des plans de relance

7 Octobre 2020 Politiques publiques

L’agronome Marion Guillou et l’économiste Jean Tirole présentent la démarche effectuée à Toulouse pour proposer une utilisation optimale des moyens fournis par les plans de relance national et européen dans des projets régionaux.

Si la crise est globale, il importe d’adapter la réponse à cette crise au niveau local pour tenir compte des atouts spécifiques et des énergies à l’œuvre afin de tirer le meilleur parti des plans de relance déployés par l’Union européenne et par le gouvernement français. Territoires, nation et Europe peuvent se compléter en matière d’action de sortie de crise pourvu que les attributions de chacun soient bien comprises.

Les différents échelons de l’Etat doivent gérer leurs avantages comparatifs. Au pouvoir central d’impulser la relance (le quantitatif) et d’organiser les appels à projets qui feront émerger les meilleures initiatives locales (le qualitatif). Aux collectivités de construire sur leurs forces et de sortir des sentiers battus pour tirer parti de ces plans de relance. Les programmes taillés sur mesure peuvent s’avérer préférables à un programme « taille unique ».

Les collectivités disposent d’informations qui ne sont pas disponibles à l’échelon supérieur. C’est d’ailleurs surtout à l’échelle territoriale que se jouent l’action climatique, les solidarités, la création d’emplois et les mobilités. Ensuite, les communautés, les régions peuvent avoir des objectifs différents ; c’est le droit à la différenciation promu par le premier ministre. Enfin, une émulation saine et le droit à l’expérimentation permettent à chacun de progresser.

Pour que cette émulation fonctionne, les collectivités doivent être en situation de responsabilité. Une première condition pour cela est une bonne information des citoyens sur leurs services publics. Comment se comparent, au regard des fonds publics engagés, nos écoles, nos hôpitaux, nos universités avec ceux de la région voisine ou des homologues européens ? Nos start-up, créatrices d’emplois et de richesse dans le territoire et dans lesquels de l’argent public a été investi, sont-elles compétitives ?

Indépendance et œil neuf

La plupart de nos concitoyens n’ont souvent aucune information sur ces sujets autre que l’excellence autoproclamée des entités concernées. Seule une évaluation externe et indépendante peut les informer correctement.

Ensuite, l’endettement de chaque collectivité territoriale doit continuer à être contrôlé, sous peine d’accumuler les dettes pour les générations futures.

Enfin, le pouvoir régalien doit veiller à certaines solidarités et à la coordination entre territoires quand ceux-ci sont très interdépendants.

A Toulouse, la constitution d’une commission Toulouse, territoire d’avenir, afin de réfléchir à l’après-crise et à l’utilisation optimale des plans de relance pour le préparer, est emblématique à plusieurs titres : son indépendance, tout d’abord, que ce soit dans sa composition, qui fut entièrement libre, ou dans l’absence d’intervention des commanditaires sur son diagnostic et ses conclusions. Son œil neuf, ensuite, avec une majorité de membres externes au territoire, qui ont pu capitaliser sur la contribution des spécialistes du territoire toulousain, avec plus d’une centaine d’entretiens réalisés avec des personnes très diverses.

N’ayant pas de légitimité quant aux décisions futures, le rôle de cette commission a été de remplir la boîte à idées avec un recours systématique au parangonnage, afin de regarder ce qui fonctionne le mieux en France et à l’étranger, et les possibilités de transposition aux territoires. La commission a ainsi insisté sur la nécessité de profiter, en complément des talents locaux, de talents français et étrangers (une stratégie qui, à Toulouse, a déjà porté des fruits en matière d’architecture et d’urbanisme).

Les recommandations, publiées dans un rapport intitulé Toulouse, territoire d’avenir (voir le rapport, via la page Facebook), pourraient déboucher sur des actions, des projets et des initiatives locales financés par les plans de relance français et européens. Au total, si ces recommandations sont bien sûr spécifiques au territoire toulousain, la démarche et la méthode sont universelles et pourraient peut-être inspirer la conduite de réflexions similaires adaptées à d’autres territoires.

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