Un nouveau rapport de McKinsey nous l’annonce, l’endettement n’a pas baissé depuis la terrible crise de 2007. Bien au contraire, il a augmenté. A l’échelle mondiale, le ratio dette/PNB s’est accru de 17 %. Les Etats et les entreprises sont les principaux responsables de cette évolution. Faut-il s’en étonner ? Faut-il s’en inquiéter ?
Les causes
Le crédit n’est pas tout à fait un bien ou un service comme les autres, mais il n’est pas non plus totalement étranger aux règles qui prévalent ailleurs dans l’économie. Bien souvent, plus le prix est bas et plus la demande est forte. Or le prix du crédit, c’est le taux d’intérêt. Et, pour plusieurs raisons, ce prix est très bas : les banques centrales prêtent beaucoup aux banques, elles achètent (parfois indirectement) les obligations des Etats. Ce faisant, elles exercent sur les taux une pression à la baisse. Par ailleurs, les anticipations inflationnistes sont basses. Cela contribue à des taux d’intérêt nominaux très bas. Enfin, les investisseurs et les intermédiaires financiers sont peu enclins à prendre des risques, et donc à acheter des actions. Ils préfèrent des titres moins risqués, comme les obligations. Cela encore contribue à faire baisser les taux d’intérêt. Face à des taux si bas, le réflexe tout à fait compréhensible des entreprises et des Etats est d’emprunter. Qui plus est, dans les premiers temps de la crise, les Etats sont intervenus pour sauver, par exemple, des banques, et ont financé ces interventions par des emprunts. Voilà une cause supplémentaire de croissance de la dette.
Les conséquences
L’accroissement de l’endettement est-il une bonne ou une mauvaise chose ? Voilà une grande question, classique en finance d’entreprise comme en finance publique. La première réponse est paradoxale : sous certaines conditions, le taux d’endettement ne change rien à la richesse des nations, ou des entreprises.
Dans le contexte du financement de l’entreprise, c’est le célèbre théorème de Modigliani et Miller, qui énonce que, à investissements et cash-flows donnés (et sous réserve de neutralité fiscale), le taux d’endettement ne change en rien la valeur de l’entreprise. L’idée est que seule compte l’activité de l’entreprise, la richesse qu’elle crée avec ses actifs. Dans la mesure où cela est donné, le taux d’endettement n’est qu’une façon de distribuer la richesse, qui n’affecte pas le montant total de richesse.
Dans le cas des Etats, c’est la tout aussi célèbre analyse de Barro, qui conclut que les obligations d’Etat ne sont pas des actifs nets. Les flux qu’elles promettent à leurs détenteurs ne sont que le revers des impôts qu’elles feront peser sur les contribuables. La somme des deux s’annule. Comme le théorème de Modigliani et Miller, ce résultat n’est valide que si le PNB, la création de richesse dans l’économie, est donné.
L’utilité de ces deux grands théorèmes est de nous appeler à fixer notre attention sur ce qui compte : la création de richesse, l’activité des entreprises, des ménages. L’endettement n’a d’importance, d’effet que s’il affecte cette création de richesse.
Ainsi, lorsqu’un accès trop facile à la dette permet de réaliser des investissements non profitables, comme cela a été le cas dans l’immobilier en Espagne avant la crise, alors la croissance de l’endettement est dangereuse. Si, en revanche, l’endettement finance des investissements utiles aux entreprises, à la société, qui engendreront par la suite des revenus, alors l’endettement est une bonne chose.
C’est pourquoi, si nous voulons éviter une nouvelle crise de la dette, il faut examiner avec attention l’emploi des fonds empruntés. Les Etats sont-ils en train d’investir dans des projets utiles ? Les citoyens doivent surveiller cette question de près. Les entreprises sont-elles en train d’engager des investissements profitables ? Actionnaires et conseils d’administration doivent, eux aussi, être vigilants. Ainsi, la question de l’endettement renvoie à la question de la gouvernance. Les hommes politiques sont les agents des citoyens. Les PDG sont les agents des actionnaires et des créanciers. Il faut veiller à la qualité des systèmes de gouvernance, pour limiter les conflits d’intérêts entre ces agents et leurs créanciers, qui sont, en dernier ressort, vous et moi.
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