La globalisation se traduit par une révolution économique, avec de nouveaux concurrents, de nouveaux produits, de nouvelles relations. Cette évolution peut menacer nos entreprises et nos emplois, et plonge de nombreux citoyens dans l’inquiétude et l’angoisse. Pour essayer de se délivrer de ces peurs, certains proposent le repli sur soi, la régression identitaire la fermeture des frontières. Ces stratégies sont dangereuses et vouées à l’échec. Mais il existe d’autres stratégies, qui mènent à la réussite. Investir dans la recherche, dans la qualité, dans l’innovation, dans les domaines où nous avons des compétences particulières, nous conduira au succès. Un exemple, ou bien peut-être faudrait-il dire une preuve, nous est fourni par un récent article de recherche, de Johan Hombert (professeur à HEC) et Adrien Matray (qui vient de finir sa thèse à HEC et d’être embauché par l’université de Princeton).
Dans cet article, intitulé « Can innovation help US manufacturing firms escape import competition from China ? », Hombert et Matray partent du constat que la concurrence des produits chinois réduit les ventes, les profits, l’investissement et l’emploi des entreprises. Considérons différents secteurs industriels, et, dans chaque secteur le taux de pénétration des produits importés de Chine. Calculons le taux de pénétration moyen (sur tous les secteurs) et son écart type (qui mesure à quel point le taux diffère entre les secteurs où la pénétration et ceux où elle est faible.) Comparons deux secteurs, pour lesquels le taux de pénétration diffère d’un écart type. Pour les Etats Unis, Hombert et Matray trouvent que le secteur où le taux de pénétration est élevé connait une croissance des ventes inférieure de 1,8 points de pourcentage, et un taux de rentabilité des actifs (ROA) inférieur de 1,1 points de pourcentage.
Etant donné ce constat, comparons maintenant des entreprises investissant beaucoup dans la recherche et l’innovation et des entreprises investissant peu. Pour les Etats Unis, Hombert et Matray trouvent que, pour les 25% d’entreprises investissant le plus dans la recherche et l’innovation, la baisse de croissance des ventes due à la concurrence des produits chinois passe de 1,8 points de pourcentage à 0,9 points. Quant à la baisse du taux de profitabilité des actifs, elle est pratiquement annulée. De plus, pour les 25% d’entreprises investissant le moins dans la recherche et l’innovation, une hausse de un écart type de la pénétration des produits chinois conduit à une baisse de 1.3 points de pourcentage de la croissance de l’emploi. En revanche, pour les 25% d’entreprise investissant le plus, il n’y a pas de baisse significative de la croissance de l’emploi.
Il semble donc qu’il y a une relation de causalité : accroître la recherche et l’innovation renforce la résistance des entreprises à la globalisation. Par quels canaux s’exerce cette relation de causalité ? Hombert et Matray montrent que les entreprises qui investissent plus en R&D, offrent des produits plus innovants, mieux différenciés, et donc moins exposés à la concurrence des produits chinois.
Mais s’agit-il bien de causalité ? Quelles sont les causes des variations d’investissement en R&D ? Est-ce que les entreprises qui investissent plus en R&D sont des entreprises par ailleurs plus dynamiques et compétitives ? Est-ce que ce sont ces autres facteurs (et non l’investissement en R&D) qui sont les causes profondes de la résistance de ces entreprises ? La méthodologie économétrique de Hombert et Matray permet de répondre à cette objection. Leur étude utilise des données d’entreprises américaines, et exploite le fait que les réductions d’impôts au titre de l’investissement en R&D diffèrent d’un état à l’autre, et sont introduites à différents moments du temps. Hombert et Matray peuvent ainsi montrer que, pour la même entreprise dotée des mêmes caractéristiques, l’investissement augmente quand les réductions d’impôts sont disponibles, et cet accroissement exogène d’investissement augmente la résistance de l’entreprise à la concurrence des produits chinois.
L’analyse de Hombert et Matray suggère donc que les politiques publiques peuvent contribuer à la compétitivité des entreprises, en particulier en subventionnant la recherche et l’innovation. Encore faut-il, bien sûr, que ces réductions d’impôts soient effectivement accordées à des entreprises qui investissent effectivement dans la recherche et l’innovation, et que la procédure soit suffisamment légère pour que les PME puissent y accéder. Les modalités détaillées et l’accessibilité de ces réductions sont une question importante, sur laquelle chercheurs et administration doivent se pencher.
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