Le sujet consiste à savoir où placer le bon curseur en matière d’imposition. Pour cela, il faut comprendre les effets de la fiscalité.
Il y a des réformes évidentes à faire, en France, notamment en ce qui concerne la fiscalité immobilière. L’acheteur d’un appartement dont la valeur a augmenté au cours du temps réalise une plus-value. Il n’est pas taxé sur cette plus-value s’il occupe ce logement ou s’il le revend au bout d’une période suffisamment longue. Il est donc doublement exonéré, puisque sa taxe foncière ne tient pas compte de sa plus-value, étant assise sur une valeur cadastrale non réévaluée.
Il s’agit d’une aberration économique. C’est profondément inéquitable. L’absence de fiscalité sur les plus-values immobilières est une source importante d’inégalité en France. C’est aussi une source importante d’inefficacité. Idéalement, la fiscalité devrait inciter une personne se retrouvant dans un logement surdimensionné (par exemple après le départ des enfants) à le libérer, afin d’allouer au mieux la ressource logement au sein de la collectivité.
En outre, il faudrait également que l’occupant d’un logement puisse le libérer facilement s’il perd son travail et qu’il en trouve un dans une autre région. Or les droits de mutation à titre onéreux freinent ce type de comportement. D’après une étude récente du CREDOC, un quart des entreprises déclarent connaître des difficultés de recrutement en raison de la faible mobilité des candidats.
Il conviendrait donc de supprimer les droits de mutation et de concentrer la fiscalité immobilière sur une taxe foncière assise sur des valeurs cadastrales nettes évaluées à leur juste niveau.
Concernant la fiscalité de l’épargne, si un individu souhaite placer son patrimoine dans de l’épargne financière, l’idéal serait que ses choix soient guidés par une analyse en termes de rendement et de risques. Cela le conduira éventuellement à choisir d’investir dans des actions d’entreprises françaises, en sélectionnant notamment des fonds de capital risque en fonction de la qualité de leur gestion. Ce cercle vertueux est inopérant en France en raison de la fiscalité. En pratique, les ménages à faible patrimoine seront incités à prendre des supports défiscalisés sans risque : un Livret A et une assurance-vie à support obligataire. Les ménages disposant d’un patrimoine élevé emploieront des conseillers fiscaux avec, pour principal objectif, de ne pas payer d’impôts.
Ils vont alors choisir des dispositifs qui garantissent un cadeau fiscal, sans porter suffisamment d’attention à la qualité du placement. Dans l’immobilier, cela a conduit parfois à des investissements à travers la France dans des logements aujourd’hui vides pour bénéficier de la fiscalité du dispositif Scellier. Dans le domaine du capital investissement, les épargnants vont investir sans exercer une pression suffisante sur la qualité des équipes de gestion de fonds de placement tels que les FPCI ou les FIP. Ainsi, le secteur du capital risque en France est davantage une grande « usine à défiscalisation » qu’un secteur à haute valeur ajoutée soutenant les startups françaises. Ceci n’est pas propre à la France : des travaux mentionnés dans le rapport du conseil économique de 2008 indiquaient ainsi que le rendement brut de tels placements est en moyenne nul, le cadeau fiscal étant capté sous forme de commissions par le secteur financier.
La fiscalité de l’épargne est ainsi trop complexe, et n’incite pas l’épargnant à sélectionner judicieusement ses placements, ou à exercer une pression dans ce sens sur les gestionnaires de fonds. Il faudrait simplifier cette fiscalité, en la remplaçant par une « flat tax », à l’instar de ce qui a été fait aux Pays-Bas : un taux unique, avec un abattement et une certaine progressivité.
=> Propos tenus lors des 2es rencontres parlementaires sur la Fiscalité (M&M Conseil)