L'enseignement supérieur est étonnamment absent des débats en vue de la présidentielle. Situation inquiétante quand on voit certaines orientations prises par nos gouvernements successifs. L'exemple le plus criant est le regroupement des universités, idée développée par Valérie Pécresse et reprise par Thierry Mandon, actuel secrétaire d'Etat chargé de ces questions.
Une course à la taille qui vise à «courtiser» le classement de Shanghai, méthode simpliste élaborée à l'origine en 2003 par un chimiste chinois pour évaluer les universités de son pays. Créer des mastodontes généralistes de plus de 70.000 étudiants permet en effet de monter mécaniquement dans ce classement, mais n'est en rien une garantie d'efficacité, bien au contraire !
Les meilleures universités au monde ont moins de 20.000 étudiants
L'idéal est de disposer d'institutions de taille réduite, autonomes, capables de se différencier, voire de se spécialiser. Les meilleures universités au monde - Harvard, Stanford - ont moins de 20.000 étudiants. Les Etats-Unis foisonnent également d'institutions offrant des cursus spécifiques ou spécialisées dans les premières années d'études, telles que les « community colleges ». Cette diversité fait la richesse du système américain.
Les systèmes américains et français en échec
Au-delà de cette question de structure, l'enseignement supérieur se heurte à deux problèmes délicats et indissociables : son financement et son accessibilité. Les Etats-Unis sont loin de les avoir résolus, comme l'illustrent l'aggravation des inégalités sociales ainsi que l'explosion de la dette étudiante, qui dépasse aujourd'hui 1.300 milliards de dollars et pèse sur des dizaines de millions de jeunes ménages.
L'approche française est également un échec : limiter les frais d'inscription ne suffit pas à rendre l'université accessible aux jeunes issus de milieux défavorisés car ceux-ci, lorsqu'ils obtiennent un baccalauréat général, font face à bien d'autres dépenses (logement, alimentation) que les bourses octroyées sur critères sociaux couvrent à peine. In fine, l'université française dispose d'un budget par élève bien inférieur à ceux de ses homologues étrangers, tout en restant incapable de résorber les inégalités d'accès.
En proportion, les enfants d'ouvriers sont trois fois moins présents dans l'enseignement supérieur que les enfants de cadres, cet écart se creusant significativement au-delà de la licence. La « démocratisation » de l'enseignement s'est arrêtée au bac et aux BTS : seuls les individus d'origine aisée s'engagent dans des études longues.
Première expérimentation en Australie
Une solution imaginée en 1955 par Milton Friedman consiste à proposer aux étudiants des prêts dont les remboursements seraient indexés sur leurs revenus futurs, et ce, sans condition sur le niveau de vie des parents. L'idée est d'offrir une assurance pour couvrir l'incertitude associée à l'effort de formation. Un tel dispositif doit être public, car l'Etat est mieux à même de recouvrer les créances auprès de ceux qui ont la chance de trouver un emploi bien payé à l'issue de leurs années d'études. Pour les autres, la dette est effacée : le risque est porté par la collectivité.
Mis en oeuvre dans une dizaine de pays, ce «prêt à remboursement contingent» a d'abord été expérimenté en Australie dans les années 1980 avec succès. Un étudiant y emprunte entre 10.000 et 20.000 dollars, qu'il devra rembourser en versant entre 3 % et 6 % de son revenu annuel dès lors que celui-ci excède un certain seuil. L'idéal serait de développer un tel système en France pour couvrir les frais de scolarité, voire une partie des frais de vie.
Bien sûr, le diable est dans les détails. Il faut éviter tout «aléa moral», donc mettre en place contrôles publics et incitations financières pour éviter en particulier que des universités n'en profitent pour hausser leurs frais d'inscription sans chercher pour autant à améliorer la qualité de leurs formations. A contrario, bien pensé, un tel dispositif peut permettre à la fois de renforcer le financement des universités, de réduire les inégalités sociales d'accès et d'améliorer l'insertion professionnelle de nos étudiants.
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