Voter autrement : pour une réforme des modes de scrutin

17 Décembre 2015

Ne garder au second tour de toutes nos élections que les deux premiers candidats ou listes arrivés en tête au premier tour rendrait notre système politique beaucoup plus juste, robuste et efficace. En France, nous sommes champions du vote. Nous avons réussi à avoir une règle différente selon chaque élection politique ! Six règles, toutes différentes, pour nos six élections politiques (commune, région, Europe, avec différentes versions de la proportionnelle ; président, député, département, avec votes nominaux tous différents). Le peuple français n'a pas de cohérence sur son mode de vote. Ailleurs en Europe, le même mode de scrutin s'applique, en général, à toutes les élections politiques du pays.

Or les modalités du vote importent. Il n'y a pas une volonté générale qui existerait en soi : celle-ci est déterminée et formée par le mode de scrutin. La proportionnelle a bien souvent peu d'efficacité démocratique, avec beaucoup de listes au départ et des majorités fragiles. Le FN, avec la proportionnelle, participerait vite au pouvoir dans des coalitions avec la droite, comme ce fut ou c'est le cas en Italie, Autriche ou Danemark. « Alors qu'aujourd'hui une majorité des électeurs ne veulent pas du tout du FN au pouvoir - même en coalition -, voulons-nous vraiment le FN au pouvoir, seul ou en coalition, via la proportionnelle ? », telle est la question que doivent se poser les partisans de la proportionnelle. Le scrutin nominal actuel a aussi ses défauts, comme le démontra l'absence de la gauche au second tour de la présidentielle de 2002, alors que plus de 80 % des électeurs auraient souhaité que le FN ne soit pas au second tour.

En France, avec notre tradition de vote avec deux tours, une bonne solution existe, sous nos yeux, pour remédier aux défauts de nos divers modes de scrutin. Appliquons à tous nos modes de scrutin actuels (sauf l'élection européenne à un seul tour), la clause décidée par de Gaulle en 1962 pour l'élection présidentielle : ne peuvent participer au second tour que les deux premiers candidats (ou listes en cas de proportionnelle) arrivés en tête. Cette règle ne changerait rien d'autre aux modes actuels de vote, afin de ne pas rouvrir les débats sans fin entre proportionnelle et scrutin nominal. Elle laisserait, en cas de scrutin de liste, les possibilités actuelles de fusion.

Avec cette petite réforme, plus aucune triangulaire, plus de petites listes ou de dissidents prêts à se lancer juste pour être vus ou gagner une place plus tard. Ne resterait qu'un choix clair et sans ambiguïté entre deux candidats ou deux listes : les électeurs choisiraient en fonction de leurs préférences les plus profondes. Avec cette réforme, les divers partis politiques devraient se coaliser, dès le premier tour, selon leurs fortes affinités. Tous les partis qui souhaiteraient gouverner avec le parti dominant de leur camp (PS ou LR) devraient s'allier avec lui dès le premier tour. Ils devraient donc se mettre d'accord avec lui sur un programme, dès avant. Les électeurs auraient devant eux, au second tour, un choix clair, sans ambiguïté et assumé devant eux dès la campagne. Il n'y aurait pas d'arrangements postélectoraux hors du contrôle des électeurs. Dans certains endroits, le FN pourrait certes gagner des sièges, mais seulement si la majorité absolue des électeurs le décidait. Cette règle simple de vote est robuste (elle respecte les préférences fortes des électeurs) et fournit de la stabilité gouvernementale. Elle est légitime en France : elle s'applique depuis 1962 à l'élection reine - la présidentielle. Nous pourrions généraliser une autre idée gaullienne de 1962 : laisser deux semaines entre les deux tours d'élections afin que le débat sur les alliances et fusions de second tour ait un peu de temps pour se déployer aux yeux du public.

Le gouvernement serait bien inspiré de présenter cette réforme simple en 2016 pour application dès les élections législatives de 2017, sinon notre démocratie sera tributaire du FN.

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