Nos données personnelles sont partout : de nos téléphones, où les applications accèdent à nos contacts, notre localisation, notre microphone et nos habitudes à nos sites internet qui traquent nos clics et nos comportements. Nos données n'ont jamais été aussi recherchées par des entreprises ou des acteurs multiples. Outre les questions de vie privée et de confidentialité que ce constat pose, la valeur de ces données personnelles est l'une des questions cruciales de l'économie numérique.
Quand avez-vous supprimé vos cookies pour la dernière fois ? Avez-vous déjà contrôlé les demandes d'autorisations de vos applications mobiles ? Nous sommes nombreux à livrer aujourd'hui gratuitement, en échange de services plus performants, nos données personnelles. Si elles ne nous semblent pas importantes, celles-ci revêtent pour les entreprises qui les récoltent une valeur immense pour trois raisons.
Tout d'abord, avoir beaucoup d'informations sur un utilisateur permet de lui proposer des publicités extrêmement ciblées, et donc de vendre l'affichage de ces publicités beaucoup plus cher ou en plus grande quantité. C'est le modèle économique principal de certains des géants qui accumulent nos données, comme Facebook ou Google.
Situations de monopole
Plusieurs études récentes laissent penser que ce sont les données personnelles qui permettent aux géants numériques de maintenir des situations de monopole. Si Google est aussi performant, c'est parce qu'il sait beaucoup de choses sur nous et parce que ses algorithmes ont accès à un océan de comportements passés de recherche en ligne. Cet avantage concurrentiel est tellement immense qu'il rendrait quasiment impossible l'arrivée d'un concurrent puisque celui-ci aura un mal fou à rivaliser avec la somme des données que possède l'entreprise américaine.
Enfin, ces données personnelles permettent de retenir les utilisateurs et donc de les enfermer ou de les fidéliser (à vous de voir) dans un service. Il sera plus difficile de changer de plateforme une fois que celle que nous utilisons dispose de toutes les personnalisations que vous avez patiemment choisies et enregistrées. Si Chrome a enregistré tous vos mots de passe, il vous sera difficile de passer à Firefox. Si Waze sait quels sont vos itinéraires favoris, il vous sera plus difficile de passer à un autre système de navigation.
Si on résume, nos données personnelles permettent aux géants du numériques de générer d'immenses revenus publicitaires, d'obtenir une situation de monopole et de capturer des utilisateurs qui ne pourront que difficilement les quitter. Nos données personnelles font donc une grande partie de la valeur des géants du numériques et, une fois ce constat posé, on est en droit de se demander combien valent exactement ces données, quels sont les déterminants de cette valeur et comment celle-ci se fabrique.
Etre rémunéré pour partager ses données
Parce qu'une fois la valeur de ces données établie et sa formation comprise, alors on pourra décider s'il faut continuer à les livrer gratuitement, si un droit de propriété sur ces données ne devrait pas être instauré, si elles devraient être portables d'une plateforme à une autre et si nous devrions - ou non - être rémunérés pour ce partage de données.
Les enjeux économiques sont considérables. Des chercheurs ont montré qu'il faudrait accorder une compensation de 48 dollars par mois pour qu'un utilisateur médian de Facebook accepte de renoncer à utiliser ce réseau social. Cela voudrait dire qu'en accordant gratuitement ses données personnelles, cet utilisateur en retire un bénéfice important. Et donc que Facebook contribuerait au bien-être social. Mais d'autres chercheurs ont montré que les utilisateurs considéraient en majorité qu'être désactivés de leur réseau social préféré serait une bonne chose pour eux. Et d'autres études semblent indiquer que les utilisateurs seraient prêts à payer pour conserver la confidentialité de leurs données. Le débat est donc ouvert.
Comprendre la valeur de nos données personnelles, c'est le défi que se sont lancés des économistes de la Toulouse School of Economics, en partenariat avec la start-up My Data Is Rich, qui propose aux internautes de toucher des royalties en contrepartie de leurs données personnelles. Nous espérons pouvoir ainsi apporter des réponses à cet enjeu majeur de l'économie numérique.
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