Cet article a été publié dans le magazine de vulgarisation scientifique de TSE, TSE Mag. Il fait partie du numéro paru à l’automne 2023, dédié au "Monde du Travail". Découvrez le PDF complet ici et écrivez-nous pour recevoir une copie imprimée ou nous partager vos impressions, à cette adresse mail.
Quand est-il temps de changer d'emploi ? Quel est le meilleur type de contrat ? Eugenia Gonzalez-Aguado, professeure-assistante à TSE, explique comment nos carrières entières peuvent être façonnées par les lois et les institutions qui encadrent les marchés du travail.
COMMENT LES ÉTUDIANTS DOIVENT-ILS SE PRÉPARER À NAVIGUER DANS LEUR CARRIÈRE PROFESSIONNELLE?
Trouver un emploi qui convient est souvent le fruit d'essais et d'erreurs. C'est particulièrement vrai au début de la vie professionnelle, lorsque nous disposons de moins d'informations sur nos compétences et sur l'ensemble des compétences requises pour les différents emplois, ainsi que sur nos propres préférences. C'est également à ce moment-là que les entreprises commencent à en savoir plus sur un travailleur, à mesure qu'il acquiert de l'expérience. C'est le résultat d'une alliance mutuelle entre travailleurs et entreprises.
Les étudiants doivent faire preuve d'ouverture d'esprit quant aux emplois qui leur conviennent : il est peu probable que votre premier emploi soit votre emploi idéal. Vous devez également être attentifs aux conditions économiques générales et aux tendances concernant les compétences requises. Par exemple, au cours de la dernière décennie, nous avons constaté une augmentation de la demande en matière d'analyse de données ou de science informatique.
EST-IL PRÉFÉRABLE DE RESTER DANS LA MÊME PROFESSION OU D'OPTER POUR LA MOBILITÉ PROFESSIONNELLE?
Il existe de nombreux cas de figure dans lesquels les travailleurs changent de profession. Dans la plupart des situations, c'est après avoir été au chômage. Les jeunes ont tendance à changer de métier plus souvent : avec l'expérience, ils apprennent à connaître leurs compétences et le type d'emploi qui leur convient le mieux.
Lorsqu'ils envisagent de changer de profession ou de secteur d'activité, les salariés sont confrontés à un arbitrage crucial. Il existe de nombreuses preuves empiriques des avantages qu'il y a à rester dans la même entreprise. Par exemple, nous constatons de fortes augmentations de salaire pour les travailleurs qui restent dans la même profession par rapport à ceux qui n'y restent pas. Ces bénéfices peuvent provenir de l'apprentissage sur le tas, au travail.
Par ailleurs, les travailleurs peuvent estimer que leurs compétences ou leurs préférences ne sont pas en accord avec leur emploi actuel. Changer de carrière peut alors offrir la possibilité de trouver une meilleure adéquation, d'améliorer leur productivité, leur salaire et les conditions telles que la sécurité de l'emploi et la flexibilité. Dans les données, nous observons que les chômeurs qui changent de carrière sont moins susceptibles de retomber dans le chômage.
La mobilité professionnelle tend à suivre les hauts et les bas de l'économie. En période de croissance, les emplois disponibles sont plus nombreux et les travailleurs peuvent donc plus facilement bouger, alors qu'en période de récession, quitter leur emploi peut paraître plus risqué car les opportunités se font plus rares.
Les récessions sectorielles peuvent également entraîner une mobilité professionnelle "forcée" qui peut s'avérer très coûteuse pour les travailleurs seniors. Par exemple, les licenciements massifs dans un secteur donné peuvent entraîner une baisse des revenus car les travailleurs spécialisés sont obligés d'apprendre un nouveau métier.
COMMENT LES CONTRATS DE TRAVAIL AFFECTENT-ILS LES TRAVAILLEURS, LES EMPLOYEURS ET LES ÉCONOMIES?
De nombreux pays d'Europe et d'Amérique latine ont des marchés du travail à deux niveaux avec deux types de contrats distincts : des contrats à court terme avec des coûts de licenciement très faibles et des contrats permanents avec des coûts de licenciement très élevés. Les politiques qui ont créé des contrats flexibles visaient à augmenter l'offre d'emplois, facilitant ainsi l'embauche de travailleurs par les entreprises. Les contrats permanents ont été encouragés pour accroître la sécurité de l'emploi.
Dans certains cas, cependant, ces politiques ont créé des marchés fortement dualisés dans lesquels certains travailleurs oscillent de manière précaire entre des contrats à court terme tandis que d'autres restent dans le même emploi pendant la majeure partie de leur carrière, indépendamment du fait que cet emploi leur convienne ou non. Les États-Unis se situent à l'autre extrême, où la protection de l'emploi est très faible mais où la création d'emplois est relativement facile. Il en résulte un marché dynamique avec des taux élevés de création et de destruction d'emplois.
Les entreprises se plaignent souvent que les contrats permanents réduisent la productivité en les décourageant d'embaucher et de licencier, tandis qu'une plus grande sécurité de l'emploi décourage les travailleurs de se tourner vers des emplois qui correspondent mieux à leurs compétences. Mais les contrats temporaires peuvent également réduire la productivité parce que les travailleurs ne restent pas assez longtemps dans l'emploi pour acquérir suffisamment d'expérience et de capital humain spécifique à la profession.
POUR ALLER PLUS LOIN
Dual Labor Markets, Unemployment and Career Mobility, Eugenia González-Aguado, C. Busch, I. Gálvez-Iniesta, L. Visschers, 2016.