TSE MAG 26 - Comment utiliser notre budget carbone

22 Avril 2024 Environnement

Cet article a été publié dans le magazine de vulgarisation scientifique de TSE, TSE Mag. Il fait partie du numéro paru au printemps 2024, dédié à la "révolution climatique". Découvrez le PDF complet ici et écrivez-nous pour recevoir une copie imprimée ou nous partager vos impressions, à cette adresse.

Pendant trop longtemps, le monde a puisé sans retenue dans ses ressources, y compris la capacité de notre atmosphère à absorber le dioxyde de carbone (CO2). L'acceptation à contrecœur, lors de la COP28, de la nécessité d'une "transition" vers les énergies renouvelables est un pas en avant bienvenu, même s'il est timide. Toutefois, notre consommation abusive de combustibles fossiles nous a légué un budget carbone dérisoire si nous voulons ralentir le changement climatique et éviter des scénarios de plus en plus dangereux.

QUELLE QUANTITÉ DE CO2 L'HOMME PEUT-IL ENCORE ÉMETTRE SANS DÉCLENCHER UNE CATASTROPHE CLIMATIQUE?

1 000 gigatonnes. C'est la quantité de CO2 qui peut encore être émise si on veut limiter le réchauffement climatique à 2°C, selon le dernier rapport du GIEC. Elle tombe à environ 400 gigatonnes si l'objectif est fixé à 1,5°C. Ce budget carbone est maigre quand on considère notre passé récent. Rien qu'au cours des 30 dernières années, nous avons émis 1 000 gigatonnes. À ce rythme, notre budget carbone sera épuisé dans les cinq prochaines années pour une augmentation de température de 1,5°C, et d’ici 20 ans pour 2°C.  

Il nous reste peu de temps pour atteindre la neutralité carbone. Même à 1,5°C, le GIEC met en garde contre des effets dévastateurs tels que la sécheresse à grande échelle, la famine, le stress thermique, la disparition d'espèces, la perte d'écosystèmes et de terres habitables, avec plus de 100 millions de personnes tombant dans la pauvreté. À 2°C, les dégâts seront bien plus importants.

COMMENT ÉLIMINER PROGRESSIVEMENT LES COMBUSTIBLES FOSSILES?

La transition énergétique prendra du temps et nous laissera dépendants des combustibles fossiles pendant encore au moins une décennie. Mais le charbon, le pétrole et le gaz produisent différents niveaux d'émissions de CO2, aussi bien lors de l'extraction que de la combustion. Nous avons donc besoin de politiques qui favorisent les combustibles fossiles à faible teneur en carbone, tout en nous efforçant de les faire disparaître complètement. Par-dessus tout, nous ne devons pas gaspiller le maigre budget carbone qu'il nous reste.  

Nous devons d'abord nous débarrasser du principal coupable. Le charbon produit deux fois plus de CO2 que le gaz naturel, un tiers de plus que le pétrole, et contribue fortement à la pollution atmosphérique locale et aux pluies acides. Les centrales électriques brûlant du charbon offrent également beaucoup moins de souplesse que les centrales au gaz pour compenser l'intermittence des énergies éolienne et solaire. Des aides financières seront nécessaires pour que les pays émergents laissent leur charbon sous terre. Ces compensations peuvent prendre la forme de contrats comme dans le cas du Partenariat pour une transition énergétique juste signé avec l'Afrique du Sud. Des mouvements tels que la "Global Coal Exit List" contribuent à dénoncer les politiques charbonnières des investisseurs et des entreprises.   

Nous devons également optimiser l'utilisation des autres combustibles fossiles. Malheureusement, l'absence d'un prix mondial du carbone permet aux entreprises de combustibles fossiles de négliger l'empreinte carbone des gisements qu'elles exploitent. Dans le cas du pétrole, les quotas de l'OPEP (Organisation des pays exportateurs de pétrole) augmentent artificiellement les prix, ce qui accroît la rentabilité des gisements à fortes émissions situés ailleurs. Cela conduit à une extraction très inefficace qui gaspille notre budget carbone. Dans les sables bitumineux du Canada, par exemple, les émissions par baril peuvent être le double de celles du Koweït. Le pétrole reste irremplaçable pour le transport. Une étude récente montre que l'optimisation de son extraction permettrait d'éviter 7,64 gigatonnes de CO2 d'ici à 2050.

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