Projets scientifiques
Pour la période 2022-2025, six projets de recherche ont été sélectionnés par le Comité d'orientation scientifique le 17 mai 2022 lors de l'assemblée générale.
Projet 1 : Les indicateurs de performance sociale, Patricia Crifo (Polytechnique)
Pour atténuer l'impact socio-économique de la transition dans les régions et les secteurs qui seront les plus touchés du fait de leur dépendance à l'égard des combustibles fossiles ou des activités industrielles à forte intensité énergétique, il est nécessaire de définir des critères économiques et sociaux pertinents, au-delà des niveaux d’emploi dans les régions à forte intensité de carbone. Ce projet vise à répondre aux questions suivantes. Au niveau des entreprises, comment se définit la performance extra-financière, et notamment la performance sociale ? Quelles sont les interactions entre performance sociale et performance environnementale ? Et comment cela permet-il d’appréhender les enjeux posés par la transition juste ? Quel rôle les crises (financières, environnementales, sanitaires) jouent-elles et à quelle logique répondent les choix stratégiques des entreprises en matière de RSE : quels arbitrages ou synergies sont privilégiés entre les différentes dimensions de la RSE, c’est-à-dire entre les attentes des différentes parties prenantes ? Sur quels indicateurs pertinents de performance sociale s’appuyer ?
Pour répondre à ces questions, plusieurs types de données peuvent être mobilisées : des évaluations qualitatives de la performance sociale et environnementale par des fournisseurs de données financières et extra financières (Moody’s, Bloomberg etc), des données quantitatives sur les pratiques adoptées, appréhendées via des enquêtes de la statistique publique (par exemple produites par le ministère du travail, de l’industrie ou de l’écologie), ou des données expérimentales produites par les chercheurs eux-mêmes (voir par exemple Crifo, Forget et Teyssier, 2015). ). L’objectif ici est de proposer des indicateurs de performance sociale mobilisables comme critères de transition juste en analysant des indicateurs de capital humain, d’employabilité et de participation
A partir de données d’enquête sur les pratiques organisationnelles des entreprises, nous montrons notamment, qu’en matière de performance sociale, les stratégies des entreprises orientées principalement vers la nouveauté et la qualité des produits (services/prestations) influencent plus fortement que les autres la mise en place de dispositifs RSE. C’est le cas pour les dispositifs visant à améliorer les processus de formation, la gestion des compétences ou encore les processus organisationnels (travail collaboratif et mise en réseau des systèmes de partage d’information, etc.) (Benhamou, Diaye, Crifo, 2016). L’objectif ici est de prolonger ces travaux et analyser comment une entreprise qui cherche à développer des produits nouveaux, dans un processus d’amélioration de la qualité, a besoin de compétences techniques particulières (ingénieurs, chargés d’études, de développement, de marketing, de design, etc.) mais aussi de compétences organisationnelles et sociales (savoir travailler en réseau, en équipe, savoir répondre aux attentes des clients, etc.) pour accompagner ces deux stratégies et quel impact cela peut-il avoir pour la transition juste.
Projet 2 : The Value of Green Innovation: Evidence from Climate-Related Patents, Ulrich Hege, Sébastien Pouget, et Yifei Zhang (TSE)
Question de recherche : Les politiques vertes des entreprises sont-elles correctement identifiées par les agences de notation ESG et offrent-elles de meilleurs rendements à leurs actionnaires ?
Notre projet propose une stratégie pour mieux identifier un lien de causalité entre, d’une part, l’octroi de brevets dits « d’atténuation du changement climatique » et, d’autre part, les réactions des agences de notation extra financière et des marchés. Cette stratégie repose sur les différences de sévérité entre inspecteurs chargés de l’octroi de brevets : les entreprises qui ont eu un inspecteur plus indulgent ont, à qualité donnée, une plus grande probabilité d’obtenir un brevet vert. Nous utilisons cette probabilité « prédite » d’obtenir un brevet vert pour déterminer son impact sur différentes mesures de performance (financière, sociale, notation, émissions…).
Contribution attendue : La principale contribution de ce projet est d’identifier précisément l’impact des innovations vertes sur la performance, en le distinguant des effets d’annonce et stratégies de greenwashing.
Projet 3 : The economics of biodiversity and food systems, par Nicolas Treich (TSE, INRAE)
Question de recherche : Comment encourager les industries alimentaires à protéger la biodiversité ?
Le système alimentaire mondial est la cause principale de la perte de biodiversité. Par exemple, la déforestation est due en grande partie au développement de l’agriculture animale, et par conséquent à la demande de consommation de viande. Pour autant, aucun pays n’a encore mis en place de taxe environnementale sur la viande. Dans ce contexte, l’utilisation de labels alimentaires peut être une solution efficace. Comme suggéré par le rapport Dasguspta (2021), le secteur financier a aussi un rôle important à jouer. Par exemple, les investisseurs responsables peuvent influencer la nature de la demande alimentaire des populations et encourager, par leurs investissements, la recherche et développement pour des innovations alimentaires plus respectueuses de l’environnement.
Contribution attendue : L’objectif de ce projet est d’explorer dans quelle mesure différents outils, comme la production d’information, les nudges, ainsi que les instruments financiers, peuvent ralentir la perte de biodiversité à travers les incitations qu’ils procurent aux acteurs des systèmes alimentaires.
Projet 4 : Les labels de finance verte et solidaire : Evolution et évaluation d’impact en France et en Europe, Patricia Crifo (Polytechnique)
Les labels de finance verte et solidaire visent à garantir aux praticiens et aux épargnants la qualité écologique et/ou socialement responsable de leurs investissements. La France occupe une place à part dans ce contexte car c’est le seul pays dans lequel le gouvernement a créé et soutient deux labels publics : le label ISR, dédié à l'investissement responsable ; et le label Greenfin pour des fonds environnementaux plus engagés.
Dans l’ensemble une dizaine de labels verts et solidaires ont vu le jour sur les marchés financiers des États membres de l'Union européenne depuis la création d'un premier label (Finansol) en 1997 en France, attribués à près de 1360 produits financiers, démontrant un succès quantitatif, notamment en France.
Ce projet a pour objectif d’analyser l'évolution de ces labels verts et solidaires en France et en Europe au cours des dernières décennies, leur dynamique d’émergence et de développement, en perspective avec la réglementation nationale et européenne, et d’examiner l’impact de ces labels d’un point de vue économique (nature et performance des investissements réalisés) et extra-financier (contribution au verdissement de l’économie et à la transition énergétique et écologique).
Deux approches de la labellisation sont possibles : l’une se focalise sur les processus d’investissement (dans ce cas la sélection des émetteurs est dite socialement responsable), l’autre sur le contenu des fonds, comme dans un indice ISR (dans ce cas les émetteurs eux-mêmes sont socialement responsables), et donne lieu à deux familles de labels : les labels ESG (pour Environnement, Social, et Gouvernance) et labels verts.
On analysera ici la littérature sur la contribution des labels à l’économie verte en mobilisant d’une part les approches en économie qui modélisent et évaluent les labels à l’aune des problèmes informationnels propres aux biens de confiance (asymétrie d’information et incomplétude de l’information), et d’autre part la littérature en science des organisations qui s’intéresse aux labels en tant que catégorie de produits.
On présentera ensuite une comparaison des labels de finance verte et solidaires : nombre, critères d’éligibilité, encours, et leur évolution historique, notamment les quatre périodes clés dans leur développement : émergence (1997-2001), montée en puissance (2002-2007), intensification (2008-2012) et concurrence (2013-2018).
On proposera enfin un comparatif de la nature et de la performance des investissements réalisés par type de label (données Novethic et Morningstar), en s’intéressant notamment au respect des critères et à l’influence des fonds labellisés sur les investissements réalisés, en regard de la réglementation nationale et européenne (taxonomie).
Projet 5 : Are We Becoming Greener? Life-time Experiences and Responsible Investment, Milo Bianchi (TSE)
Question de recherche : Dans quelle mesure les caractéristiques des investisseurs individuels affectent leurs décisions d’épargne « responsable », et l’évolution de ces décisions au cours du temps ?
Ce projet cherche à étudier si les attitudes pro-sociales des individus affectent la demande de produits ESG, et si ces attitudes peuvent résulter de leurs expériences de vie. On regardera par exemple si le fait de grandir dans une région plus ou moins polluée, ou touchée ou non par une catastrophe naturelle, ou une région dans laquelle les valeurs pro-sociales sont plus prégnantes, a une influence sur ces décisions, à travers les attitudes des individus. Pour étudier cette question, nous avons obtenu les données de toutes les transactions d’investisseurs individuels à la Bourse de Shanghai sur 9 ans.
Contribution attendue : La contribution de ce projet est de quantifier la part de la demande de produits ESG qui dépend des caractéristiques et expériences vécues des investisseurs individuels et de mieux comprendre l’investissement ESG en Chine.
Projet 6 : Gestion des actifs et régime réglementaire pour les investissements de long terme, proposé par Olivier Gossner (Polytechnique)
Ce projet s’intéresse au rôle des coûts de gestion des actifs risqués et des participants sur le marché sur les prix d’équilibre dans les modèles soumis aux règlementations type Solvabilité II ou IFRS17. Dans ces modèles, l'évaluation des actifs manque d’un terme de correction qui tienne compte du fait que non seulement l'activité d'assurance à évaluer génère des coûts de gestion de l'investissement mais aussi les autres assureurs et, plus généralement, les participants au marché. Pour les assureurs soumis à la réglementation Solvabilité II, nous estimons que la valeur du terme de correction est de l'ordre de 150 milliards d'euros, soit 2 % des investissements de l'assureur. Ce terme de correction est utile pour les gestionnaires d’actifs (notamment assureurs) dont les investissements couvrent des engagements à long terme, et/ou des investissements complexes à gérer. Ne pas en tenir compte peut fausser les stratégies d'investissement en incitant les investisseurs à surpondérer les actifs dont la gestion est relativement peu coûteuse à gérer.