TSE MAG 26 - S'adapter ou fuir

22 Avril 2024 Environnement

Cet article a été publié dans le magazine de vulgarisation scientifique de TSE, TSE Mag. Il fait partie du numéro paru au printemps 2024, dédié à la "révolution climatique". Découvrez le PDF complet ici et écrivez-nous pour recevoir une copie imprimée ou nous partager vos impressions, à cette adresse.

Les habitants des pays pauvres sont les premières victimes du changement climatique. D’après un rapport du Pentagone, il agit comme un "amplificateur de menaces". Anouch Missirian montre que les fluctuations météorologiques ont eu par le passé des effets délétères dans les zones agricoles des pays en voie de développement, conduisant un nombre grandissant de personnes à l’émigration, victimes d’une détresse climatique.

Le point de départ du travail d’Anouch, c’est la mise en relation de données météo de 103 pays avec les demandes d’asile qui en émanent. Avec son co-auteur Wolfram Schlenker, ils ont constaté que la migration augmentait lorsque les températures devenaient plus froides ou plus chaudes que le seuil modéré de 20°C, température idéale pour la culture des principales céréales. Cette augmentation n'est pas linéaire, ce qui signifie que les flux migratoires s’intensifient à mesure que les températures deviennent plus extrêmes. 

En 2015, d’autres chercheurs avaient étudié la pire sécheresse jamais mesurée dans le Croissant Fertile (2007-11) et montré qu’elle était due au changement climatique. En Syrie, combinée à l’incompétence et au clientélisme du régime, cette sécheresse avait annihilé les récoltes, provoquant un exode vers les villes et contribuant au déclenchement de la guerre civile en 2011. 

RÉPONSE COLLECTIVE

Les migrations climatiques d'aujourd'hui seront probablement éclipsées par les flux futurs. Cependant, les phénomènes à venir dépendent grandement de notre réponse collective. Si le monde ne parvient pas à réduire les émissions de carbone, Anouch et son co-auteur projettent que, toutes choses égales par ailleurs, les demandes d'asile adressées à l'Union européenne pourraient augmenter de 188 %, soit 660 000 nouvelles demandes additionnelles chaque année. Si, au contraire, nous parvenons à changer nos modes de vie pour que d’ici 2040 nos émissions de gaz à effet de serre déclinent, l'augmentation des demandes d'asile sera beaucoup plus modérée (28 %). 

L'expression "toutes choses égales par ailleurs" est importante, car il nous appartient de veiller à ce que toutes choses ne soient pas égales par ailleurs, par exemple en aidant les communautés agricoles les plus exposées à s'adapter, grâce à des variétés, cultures, techniques résilientes, ou en accompagnant les transitions sociales ou les déplacements en préservant la dignité des personnes concernées.

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