Le président Macron, s'il veut réformer le pays, relancer la croissance tout en réduisant les dépenses publiques, serait bien avisé de se rappeler le second théorème de Coase : sans bonne définition des droits de propriété (et des droits contractuels), une économie n'est pas optimale.
Ronald Coase reçut le prix Nobel d'économie en 1991 pour deux très fameux théorèmes (1937 et 1960). Son second, dans « The Problem of Social Cost » (1960), énonce que si les coûts de transaction sont nuls et si les droits de propriété sont bien définis, l'allocation des ressources est efficace (i.e. optimale au sens de Pareto).
Incertitude et droits de propriété
Aujourd'hui les coûts de transaction sont très faibles. L'intérêt de ce théorème réside donc dans l'importance de la définition des droits de propriété. Longtemps, on a pu lire le théorème de Coase comme une double condamnation. Condamnation des systèmes économiques collectivistes où les droits de propriété étaient très maltraités. Condamnation aussi des interventions abusives de l'Etat au-delà du nécessaire dans les années 1970 en Occident.
Mais le théorème de Coase importe aussi pour la France d'aujourd'hui. Au-delà des droits de propriété stricto sensu, le message de Coase est qu'il faut bien définir les droits des parties liés par contrats. Ceci est essentiel pour le marché du travail. Le coeur de notre problème est que l'Etat, à la fois par bienveillance maladroite et ignorante des effets pervers ou sous la pression de lobbys, a amoindri et rendu flous les droits de propriété et les droits des parties aux contrats, ce qui a pour effet d'éloigner de l'efficacité économique. En d'autres termes, l'incertitude de notre droit économique nuit à notre niveau de vie et à l'emploi.
Prévisibilité des coûts
Sur le marché du travail, les incertitudes liées aux conditions de licenciement pèsent fortement sur les conditions d'embauche. Comme l'entreprise ne peut pas savoir à l'avance ce que va lui coûter un licenciement en cas de retournement de conjoncture ou si le salarié ne correspond pas à ce qui était attendu, elle réduit ses embauches ou embauche surtout en CDD. Il en résulte un sous-emploi excessif et un chômage structurel élevé.
Ce que Coase nous dit n'est pas qu'il faut autoriser le licenciement sans conditions, mais que les conditions de licenciement doivent être bien définies lors de la signature du contrat d'embauche. Ce qui importe pour l'employeur est la prévisibilité des conditions de licenciement, ce qui revient à avoir une bonne définition de ses droits de propriété dans le contrat de travail. En un sens, peu importe le coût final du licenciement, ce qui compte c'est la prévisibilité de ces coûts de séparation.
Si le coût ultime du licenciement est élevé, l'entreprise s'ajustera en conséquence au départ en provisionnant par avance les coûts de licenciement et en réduisant d'autant le salaire net du travailleur. C'est pourquoi il est si important que la réforme à venir du marché du travail définisse bien par avance les conditions de licenciement, avec des droits à chômage croissants dans le temps, bornés par un plafond et un plancher connus à l'avance - et sans l'incertitude juridique actuelle. Ce sera mieux aussi pour les salariés, qui auront plus de chances d'être employés et seront plus sécurisés quant à leurs conditions de licenciement. Pourquoi donc le gouvernement refuserait-il une telle réforme Pareto-optimale ?
Bien sûr, ce mécanisme ne fonctionne pas au niveau du SMIC, qui agit comme un plancher. Et donc, plus les coûts de licenciement seront élevés pour le travail non qualifié en France, plus le chômage structurel de non-qualifiés sera élevé (ce qui est le cas aujourd'hui). Au gouvernement ici de trancher de manière politique, en utilisant éventuellement le salaire négatif imaginé par Bill Clinton (Earned Income Tax Credit), dont la prime pour l'emploi et le RSA ne sont que de pâles copies non efficaces.
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