La peur du migrant est irrationnelle. Ouvrir davantage nos frontières permettrait à la France de compenser un manque de main-d'oeuvre et limiter le vieillissement de sa population.
Notre pays aurait intérêt à ouvrir davantage ses frontières aux migrants, afin de compenser un manque de main-d'oeuvre et limiter le vieillissement de notre population, et cela pourrait se faire sans pénaliser les travailleurs en place.
On constate, en effet, dans de nombreux exemples passés que les flux migratoires n'ont pas d'effets négatifs sur le marché du travail. Cela a été le cas lors de l'arrivée à Miami de Cubains expulsés par le régime castriste, lors du rapatriement des Français d'Algérie, ou encore à l'occasion de l'immigration d'origine juive vers Israël consécutive à l'effondrement de l'Union soviétique.
Le débat sur ces questions faisait encore rage l'année dernière - Donald Trump citant des travaux de l'économiste George Borjas pour justifier sa politique anti-migrants - mais il semble avoir été tranché par les économistes Jennifer Hunt et Michael Clemens : leurs travaux confirment que ces vagues migratoires ne se sont pas traduites par une hausse du chômage ou une baisse des salaires. Autrement dit, les migrants viennent surtout en complément de la population locale et apportent de la richesse, à condition, bien sûr, que le marché du travail soit suffisamment ouvert et flexible pour leur permettre de s'intégrer.
Fausses croyances
La pression politique peut cependant contraindre des gouvernements même modérés à durcir leur politique migratoire, de peur de donner les clefs du pouvoir à des mouvements populistes à l'instar de ce qui s'est passé lors de l'élection de Trump ou du Brexit.
La radicalisation d'une partie de la population résulte en partie de la crainte, généralement infondée, d'être pénalisée sur le plan économique par les nouveaux arrivants, mais surtout par la peur de voir sa culture balayée par celle des migrants, peur là encore largement induite par de fausses idées - les Français pensent en moyenne que les musulmans représentent près du tiers de la population, alors que le chiffre correct est proche de 8 %.
Hélas, il semble très difficile de modifier ces croyances. Une étude récente (*) montre même que rectifier les mensonges tenus par le Front national en la matière peut s'avérer contre-productif. Fournir les vraies informations, à l'instar du « fact checking » réalisé par certains médias, n'éloignerait pas du vote extrême, bien au contraire. Tout se passe comme si les individus une fois émotionnellement remontés contre les migrants devenaient insensibles à la vérité des chiffres.
Un contact avec les migrants
Faut-il en conclure que le durcissement de la politique migratoire constitue la seule réponse face à la montée des extrêmes, faute de pouvoir corriger chez nos concitoyens certaines croyances ? Heureusement, une autre voie est possible : confronter davantage la population à la réalité des migrants.
Apparu dans les années 1950, validé par les psychologues sociaux Thomas F. Pettigrew et Linda R. Tropp dans une analyse de plus de 500 travaux académiques sur ces questions, la théorie du « contact » considère qu'un rapport humain constitue la meilleure façon de réduire les préjugés. Bien sûr, un véritable contact est nécessaire pour éviter que la peur de l'autre ne l'emporte, et ce afin qu'une compréhension mutuelle s'établisse. Cela suppose de répartir au mieux les nouveaux arrivants sur notre territoire, de les accompagner avec une formation adaptée, en lien étroit avec la population locale.
A cet égard, les propositions contenues dans le rapport du député Aurélien Taché paru cette semaine constituent une piste à suivre, depuis le renforcement des cours de langue jusqu'aux mesures en faveur du logement, comme l'« hébergement citoyen » permettant aux particuliers qui le souhaitent d'accueillir un migrant. Et il serait bien utile d'analyser et de tirer tous les enseignements de l'insertion des réfugiés que le gouvernement français s'est engagé à accueillir depuis 2015 - un volume au demeurant bien dérisoire, environ 10.000 personnes par an, soit moins de 0.02 % de la population française.
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