Il est essentiel qu'une coalition du centre puisse se former à court ou moyen terme pour éviter le scénario du pire. Or le centre droit, qu'il soit représenté par Gabriel Attal ou par Edouard Philippe, semble incapable aujourd'hui de se remettre en cause, estime Frédéric Cherbonnier, et d'affronter son principal tabou: les impôts.
Beaucoup de choses ont été dites sur les programmes des coalitions aux deux extrêmes de l'échiquier politique. Celui du Rassemblement national est le plus incohérent: il se résume à une succession de cadeaux non financés - avec le fantasme d'un trésor caché que l'on récupérerait en s'attaquant à l'immigration.
Celui du NFP peut paraître plus équilibré, car il s'appuie sur une réforme fiscale, mais, à l'instar de celui du RN, il ignore complètement la nécessité de soutenir la croissance par des gains de productivité et une hausse du taux d'emploi.
Au contraire, nombre des mesures annoncées vont pénaliser l'activité et accroître le chômage. Dans le contexte actuel, ces programmes ne se contenteront pas d'appauvrir durablement le pays, ils le feront plonger dans une crise budgétaire sans précédent et menaceront la construction européenne.
Mais, si l'on suit le raisonnement du politologue Dominique Reynié, aucun de ces parties ne veut le pouvoir maintenant. L'objectif reste la présidentielle, tant pour Marine Le Pen que pour Jean-Luc Mélenchon. On comprend mieux, sous ce prisme, l'attitude de ce dernier: réaliser une purge au sein de La France insoumise, puis annoncer qu'il sera Premier ministre peut être vu comme une façon de faire perdre les législatives au NFP en jouant le rôle de l'épouvantail.
Une question cruciale aujourd'hui est donc d'éviter demain une France ingouvernable, un chaos susceptible de déboucher sur l'arrivée d'un(e) autocrate à la présidence de la République, sans doute d'extrême droite, avec de graves conséquences sur les libertés fondamentales.
Il est dès lors essentiel qu'une coalition du centre puisse se former à court ou moyen terme pour éviter ce scénario du pire. Or le centre droit, qu'il soit représenté par Gabriel Attal ou Edouard Philippe, semble incapable aujourd'hui de se remettre en cause et d'affronter son principal tabou: les impôts.
La France est en déficit budgétaire depuis cinquante ans malgré une succession de gouvernements de droite prônant la réduction des dépenses publiques. Notre pays ne peut trouver rapidement 60 milliards par an pour faire face à sa situation budgétaire et autant à moyen terme pour financer la transition écologique sans chercher de nouvelles recettes fiscales!
Beaucoup de pistes sont consensuelles parmi les économistes et il est dommage que le NFP soit le seul à les emprunter avec l'excès qui caractérise ce mouvement ! Un exemple à titre illustratif: les droits de succession. Le taux d'imposition effectif en ligne directe n'est que de 3 %. Autrement dit, quand un individu reçoit 1 euro, il paye en moyenne 3 centimes à l'Etat s'il s'agit d'un héritage, 30 s'il s'agit de dividendes et plus de 50 pour un revenu du travail!
Ce niveau d'imposition dérisoire est une moyenne qui résulte de ce que les héritages évitent en partie l'impôt grâce aux abattements dont bénéficient les donations. Le relever peut se faire de façon politiquement acceptable en diminuant à la fois abattements et taux d'imposition. Gabriel Attal vient d'annoncer qu'il allait au contraire baisser cet impôt en réhaussant les abattements, laissant le NFP occuper seul ce terrain avec des taux d'imposition confiscatoires au-delà d'un certain seuil!
Une idéologie clientéliste dommageable qui bloque tout accord au centre. La gauche est dans son rôle en demandant plus de redistribution, la situation économique et politique du pays le justifie et il reste possible d'aller dans ce sens sans entraver la croissance - on ne compte plus les rapports remis au gouvernement par des économistes initialement proches d'En marche!, proposant de réduire certaines exonérations de charges, de rehausser la fiscalité foncière, de taxer le patrimoine des plus aisés, sans trouver d'écho favorable.
Ce tabou de l'impôt doit être levé pour des raisons à la fois politiques et budgétaires.
Article paru dans Les Echos le 27 juin 2024
Illustration: https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Minist%C3%A8re_de_l%27%C3%89conomie_et_des_Finances_Mars_2022.jpg