Résumé:
Les plus grandes réalisations de notre espèce résultent d'un processus connu sous le nom de culture cumulative. Les ordinateurs, les navettes spatiales et les théories scientifiques n'ont pas été inventés par des individus isolés mais sont le résultat d'un processus collectif dans lequel les innovations s'ajoutent progressivement aux traits culturels existants sur plusieurs générations. Au fil du temps, l'incorporation progressive des innovations de chaque génération aboutit à l'émergence de solutions complexes qu'aucun individu n'aurait pu inventer seul. Les capacités d'apprentissage social des humains sont essentielles à ce processus. En effet, ce n'est que lorsque nous apprenons des réalisations d'autres individus que cette forme d'apprentissage collectif peut fonctionner.
Pourtant, des anecdotes historiques ainsi que des études expérimentales suggèrent que l'apprentissage social peut parfois limiter l'exploration des individus, favoriser la persistance de solutions arbitraires et entraver l'innovation. Cela suggère que l'apprentissage social est une arme à double tranchant. D'une part, il permet la diffusion de solutions utiles et potentialise les améliorations ultérieures. D'autre part, il restreint l'exploration des apprenants et diminue leur probabilité d'innover.
L'effet néfaste de l'apprentissage social sur l'exploration des individus n'a commencé à être étudié que récemment et la mesure dans laquelle, et les conditions dans lesquelles, il entrave l'innovation restent mal comprises. Ce projet vise à améliorer notre compréhension de la mesure dans laquelle l'apprentissage social entrave l'innovation avec le but ultime d'évaluer s'il est possible de bénéficier des avantages collectifs de l'apprentissage social (c'est-à-dire la culture cumulative et l'intelligence collective) sans payer les coûts qui y sont associés (c'est-à-dire l'exploration limitée et les effets de fixation). Pour ce faire, le projet s'appuiera sur l'utilisation de tâches expérimentales innovantes qui peuvent être résolues avec plus ou moins de succès et qui présentent un espace de possibilités discret. Cela permettra aux membres de l'équipe d’étudier rigoureusement les performances des individus et de mesurer méticuleusement l'exploration tant au niveau individuel que collectif.
Le projet s'articule autour de trois axes de recherche interdépendants. Le sous-projet 1 fournira un compte rendu détaillé de la mesure dans laquelle l'apprentissage social limite l'exploration des apprenants. Le sous-projet 2 évaluera si la persistance des solutions préexistantes est influencée par les propriétés des problèmes auxquels les gens sont confrontés. Enfin, le sous-projet 3 examinera si la structure du groupe peut être utilisée pour atténuer les effets néfastes de l'apprentissage social sur la découverte de solutions nouvelles.
Les résultats du projet auront des implications importantes tant au niveau scientifique que sociétal. Sur le plan scientifique, ils nous permettront de mieux comprendre les conditions dans lesquelles des groupes d'individus se retrouvent à exploiter des solutions sous-optimales, et apporteront des données quantitatives au débat sur la persistance à long terme de solutions culturelles arbitraires, une question qui a reçu beaucoup d'attention de la part des anthropologues évolutionnaires et des écologistes comportementaux. Sur le plan sociétal, les résultats auront des répercussions importantes sur les pratiques éducatives (par exemple, comment équilibrer l'enseignement direct et l'apprentissage par la découverte) et la gestion de l'innovation (par exemple, comment rendre les individus et les groupes plus innovants).
Abstract:
The greatest accomplishments of our species result from a process known as cumulative culture. Computers, spaceships and scientific theories haven’t been invented by single, isolated individuals. Instead, they result from a collective process in which innovations are gradually added to existing cultural traits across many generations. Over time, the progressive incorporation of each generation’s own innovations results in the emergence of complex solutions that no individual could have invented on their own. Humans’ social learning abilities are pivotal to this process. Indeed, it is only when people learn from the achievements of other individuals that this form of collective learning can operate.
Yet, both historical evidence and a growing experimental literature suggest that social learning can sometimes constrain individuals’ exploration, promote the persistence of arbitrary solutions and hinder innovation. This suggests that social learning is a double-edged sword. On the one hand, it allows the dissemination of useful solutions and potentiates subsequent improvements. On the other hand, it restricts learners’ exploration and decreases their probability of innovating.
The detrimental effect of social learning on individuals’ exploration began to be noticed only recently and the extent to which, and the conditions under which, it hinders innovation remain poorly understood. This project aims to improve our understanding of the extent to which social learning hinders innovation with the ultimate goal of assessing whether it is possible to reap the collective benefits of social learning (i.e., cumulative culture and collective intelligence) without paying the costs associated to it (i.e., fixation effects and limited exploration). To do so, the project will rely on the use of innovative experimental tasks that both can be solved with varying degrees of success and feature a discrete space of possibilities. This will enable team members to rigorously track the performance of individuals and meticulously investigate exploration both at the individual and group levels.
The project is organized along three interdependent lines of research. Sub-project 1 will provide a detailed account of the extent to which social learning restricts learners’ exploration. Sub-project 2 will evaluate whether the persistence of pre-existing solutions is mediated by the properties of the problems that people face. Finally, sub-project 3 will investigate whether group structure can be used to mitigate the detrimental effects of social learning on the discovery of new solutions.
The project’s results will provide important insights with both scientific and societal implications. Scientifically, it will promote our understanding of the conditions under which groups of individuals can get stuck with sub-optimal solutions and will bring quantitative data to the debate about the long-term persistence of arbitrary cultural solutions, a question that received a lot of attention from evolutionary anthropologists and behavioral ecologists. Societally, the results will have important implications for both educational practice (e.g. how to balance direct instruction and discovery learning) and innovation management (e.g. how to make individuals and groups more innovative).