Sanofi Pasteur: qu'elle soit publique ou privée, la recherche française est à la peine dans la course à l'innovation lancée par la pandémie de Covid-19. Sous-investissement des entreprises, mauvaise allocation de la dépense publique ... les raisons de cet echec sont multiples.
Le retard français en matière d'innovation est flagrant: quasi absente aujourd'hui des vaccins à ARN messager, la recherche française n'a pas su dans le passé retenir Emmanuelle Charpentier, récemment nobélisée après une brillante carrière à l'étranger. Rien de nouveau, les indicateurs sont dans le rouge depuis bien longtemps! L'effort de recherche et développement stagne en France autour de 2,2% de notre produit interieur brut, alors qu'il dépasse désormais 2,8% aux Etats-Unis, 3% en Allemagne et 3,3% en Suède. Une situation préoccupante car elle explique en grande partie le manque de compétitivité de l'économie française. Quelle stratégie doivent déployer les pouvoirs publics pour y faire face?
Crédit d'impôt recherche
A première vue, le problème viendrait du secteur privé, qui investit proportionnellement peu dans la R&D en comparaison avec la concurrence étrangère - 40% de moins qu'outre-Rhin par exemple. La théorie économique enseigne que les entreprises sous-investissent dans ce domaine si l'Etat ne leur rétrocède pas une part de ce que leurs innovations apportent à la societé. Suivant ce raisonnement, la France est championne mondiale des aides publiques à la recherche privée, avec notamment le crédit d'impôt recherche, dont le coût avoisine désormais les 6 milliards d'euros par an. De nombreux travaux empiriques confirment que cet argent public n'est pas un simple effet d'aubaine, et vient renforcer l'effort de recherche, mais le résultat reste décevant. Un pays comme l'Allemagne nous devance nettement sans faire appel à une telle niche fiscale pour inciter ses entreprises à innover.
Le problème est ailleurs, sans doute dans le sous-financement structurel de la recherche publique et des universités. Le budget public dédié à la formation d'un élève au sein de l'université française est en moyenne trois fois inférieur à celui consacre à un élève d'une école d'ingénieurs - lui-même bien en deça de ce qui est mis en place dans bon nombre d'universités étrangères. Résultat: les parcours universitaires sont très peu valorisés en France, et le nombre de cadres d'entreprise détenteurs d'un doctorat est bien moindre que dans des pays comme l'Allemagne ou la Chine.
Appels d'offres sélectifs
Du côté des dépenses publiques de recherche, notre effort reste significatif et s'élève à près de 0,85% du PIB, davantage que ce qui est engagé aux Etats-Unis et dans la moyenne des pays de l'OCDE. Cependant, la grosse part de ce budget est allouée aux laboratoires de manière automatique, sans véritable évaluation, pour financer essentiellement la masse salariale. Au-dela, les équipes doivent gagner des appels d'offres pour financer projets et depenses recurrentes. Or, ce financement par projet est trop faible et court-termiste pour assurer la pérennite des laboratoires dans les sciences dites « dures ». II est difficile de retenir des chercheurs en France quand on n'est pas sûr de pouvoir faire face dans la durée aux simples dépenses de maintenance de leurs équipements!
Atteindre l'objectif de 1% de PIB de dépenses publiques de recherche, à l'instar de l'Allemagne ou de la Suede, suppose de « débourser » 3 milliards d'euros de plus, un montant faible en comparaison des 120 milliards d'aides (en partie inefficaces) aux entreprises. L'effort budgetaire prévu par le gouvernement s'inscrit dans cette perspective, mais il faut aller plus vite et repenser les modes de financement: évaluer les labos et lancer des appels d'offres sélectifs, mais veiller aussi in fine à mieux doter dans la durée les équipes de recherche.
Article paru dans Les Echos le 28 janvier 2021
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