L'hyperdémocratie, c'est instaurer de bonnes incitations pour une démocratie meilleure et plus efficace. Les critiques contre notre démocratie pleuvent : pas assez représentative, court-termiste, incapable de résoudre nos grands maux... Ce qui est en cause, ce n'est pas notre démocratie, mais l'absence de choix collectifs assumés et les défauts d'incitations politiques.
Tout d'abord, ne croyons pas en un âge d'or de notre démocratie. Elle fut souvent fragile et instable (IIIe et IVe République) ou peu ouverte aux débats (Ve République sous de Gaulle). Notre problème aujourd'hui est l'absence d'incitations à voter et, pour les élus, à trancher et à assumer leurs décisions : les institutions politiques ne construisent pas les bonnes incitations. La réponse n'est ni dans le tirage au sort (pourquoi reconnaîtrais-je des décisions auxquelles je n'ai pas participé ?), ni dans des forums de citoyens (Nuit debout) qui n'engagent que leurs participants. La réponse est dans une démocratie plus poussée et plus cohérente : l'hyperdémocratie.
Première étape : rendons obligatoires le vote et l'inscription électorale. La théorie économique a déjà répondu (le paradoxe du vote) : voter implique plus de coûts (déplacements, coûts d'information) que de gains (en soi, mon vote de citoyen n'aura jamais d'impact significatif sur le résultat). L'étonnant n'est donc pas l'abstention, mais la participation électorale. L'économie a une seconde réponse : le vote est un bien public. Si je ne vote pas, j'impose un coût à la collectivité en délégitimant la démocratie et donc ses choix. La solution est double. D'une part, il faut, comme en Belgique, rendre le vote obligatoire (quitte à voter blanc) et imposer une amende de 100 euros par abstention. D'autre part, il faut rendre le vote beaucoup plus facile : sur trois jours, par Internet (comme en Estonie), smartphone ou par correspondance... Ainsi les citoyens ne pourront plus se plaindre de ne pas être représentés ! Plutôt que de pleurer sur l'abstention à chaque élection, nos élus devraient plutôt rendre le vote obligatoire, avec amende significative. Notons que cette mesure ne fera, par construction, perdre aucun électeur à ceux qui la voteront ! Ajoutons un mode de vote représentatif et efficace : la proportionnelle à deux tours, avec les deux premières listes seulement au second tour (lire ma chronique du 16 décembre 2015).
La deuxième étape est la responsabilisation de nos élus. Comment inciter le président de la République à bien gouverner ? Le mandant non renouvelable n'est pas une solution, car, une fois élu, le président n'a plus aucune incitation à bien faire (au Mexique, c'est un échec). Une bonne solution vient du Chili : le président de la République ne peut pas y exercer deux mandats successifs. Appliqué en France, un candidat, élu en 2017, présiderait jusqu'en 2022 et ne pourrait se représenter qu'en 2027 pour un second mandat. Lors du premier mandat, cela inciterait fortement l'élu à faire de son mieux, sans poudre aux yeux ou démagogie, car il serait jugé à froid lors des cinq ans suivants. Au second mandat, on peut espérer qu'il aurait appris comment bien présider. Le modèle chilien maintient les incitations à bien gouverner et évite qu'un président, peu populaire et au bilan très contesté, n'utilise la force de sa fonction actuelle pour s'imposer à l'élection suivante. L'option chilienne devrait s'appliquer aussi aux présidents de région, de département, aux maires, ainsi qu'aux ministres.
Le président Hollande pourrait proposer de changer notre Constitution, en 2016, pour y inclure la solution chilienne. Ses concurrents et le Parlement y seraient probablement favorables à une très large majorité. Ce serait un bon moyen pour le président Hollande de faire une réforme constitutionnelle enfin consensuelle, qui lui permettrait de se retirer avec grâce et sans l'humiliation d'une défaite sévère au premier tour de 2017.