Séquencer un génome humain coûtait 100 millions de dollars il y a dix ans, moins de 1.000 aujourd'hui. La révolution génétique est en marche et, avec elle, le développement d'une médecine « sur mesure » fondée sur le profil des patients. Derrière cet incontestable progrès se cache l'inquiétude légitime de voir des informations exploitées abusivement. Les Français en sont conscients : d'après un récent sondage 75 % d'entre eux souhaiteraient effectuer des tests génétiques, mais près de la moitié craint d'être alors discriminée par les mutuelles ou les banques.
Se battre pour la confidentialité des données est vain : le développement du Big Data permet, déjà, à Google ou Facebook de tracer nos recherches Internet sur certaines maladies, de connaître nos modes de vie ou de deviner nos antécédents familiaux. Dès lors, il devient primordial d'adapter la régulation du secteur de l'assurance en choisissant quelles informations peuvent être utilisées.
A cet égard, les députés viennent de consacrer un « droit à l'oubli » à quelque trois millions de Français qui ont eu un cancer afin qu'ils ne subissent plus des surprimes d'assurance sur les crédits bancaires, parfois multipliées par quatre. Pour autant, tout n'est pas question de génétique : fonder la discrimination sur des informations individuelles peut, par exemple, inciter à de bonnes pratiques (alimentation, activité physique,…) à l'instar du système de « bonus-malus » pour l'assurance automobile. De surcroît, permettre aux citoyens d'être mieux informés que l'assureur peut générer un phénomène d'antisélection : ceux en mauvaise santé choisiront tous le contrat le plus protecteur qui deviendra alors difficile à tarifer correctement et, par ricochet, risquera de disparaître. Dans un système à l'anglo-saxonne, où des assurances attribuent une somme forfaitaire considérable en cas de maladie grave, l'anti-sélection peut devenir un problème rédhibitoire et il convient, donc, d'obliger les assurés qui ont réalisé un test génétique à en partager le résultat.
In fine, la façon de répondre à la révolution génétique dépend étroitement du modèle d'assurance retenu qui relève lui-même d'un choix de société. Pour des raisons éthiques, il serait cohérent de proposer une couverture santé homogène à tous, en encadrant fortement les contrats d'assurance. En effet, une étude française de Florence Jusot, Sandy Tubeuf et Alain Trannoy révélait en 2013 que l'essentiel des différences d'état de santé est déterminé dès la naissance par le patrimoine génétique et l'origine sociale.
C'est ce qu'ont fait l'Allemagne, les Pays-Bas et la Suisse en imposant une double obligation : les citoyens doivent s'assurer et les assureurs (privés) ne peuvent ni les refuser ni les discriminer en fonction de leur santé. Afin d'éviter qu'il ne se livre à une chasse aux « bons risques », un système de péréquation oblige un assureur ayant des assurés moins risqués que la moyenne à abonder un fonds. La question de la révélation ou non des données génétiques étant alors en partie évacuée, personne n'a à renoncer - s'ils s'avèrent utiles - à des tests qui permettent de connaître ses prédispositions à diverses maladies ou encore de prédire ses réactions à tel ou tel médicament.
La France aboutit à un résultat relativement similaire en limitant seulement - souvent à l'aide d'incitations fiscales - la prise en compte des informations sur la santé. Face à la révolution génétique qui s'annonce et aux opportunités nouvelles qu'elle offre aux assureurs, il y a tout à gagner à fixer un cadre réglementaire plus clair, et plus rassurant, en matière d'utilisation des données.
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