Contrairement au gouvernement Fillon qui projetait de privatiser tous les aéroports de province, Le gouvernement Valls a choisi de procéder aéroport par aéroport, en commençant par Toulouse. Les inquiétudes des collectivités territoriales de la région toulousaine sont-elles légitimes ?
Dans une vision économique traditionnelle, un aéroport est considéré comme un service public pour les besoins des compagnies aériennes. Cette conception a conduit a privilégié partout dans le monde une gouvernance publique : l'aéroport est propriété de l'Etat, il est régulé et géré par une autorité publique.
Croissance du trafic
La libéralisation du transport aérien a eu comme conséquence indirecte de soulever la question de l'efficacité de la gestion des aéroports pour au moins deux raisons. D'une part, les compagnies aériennes, soumises à une concurrence très intense, cherchent à baisser leurs coûts d'exploitation qui comprennent les charges d'accès aux aéroports comme les redevances d'atterrissage et les frais d'utilisation des infrastructures aéroportuaires.
D'autre part, le trafic aérien connaît une croissance forte et soutenue qui favorise la congestion des aéroports et de l'espace aérien, ce qui se traduit par des retards qui à leur tour occasionnent des coûts pour les compagnies aériennes.
Des moyens financiers pour les Etats
A tort ou à raison, ce contexte a conduit à faire porter la responsabilité de l'augmentation des charges aéroportuaires sur la gestion publique des aéroports et a déclenché un mouvement de privatisation des aéroports en Angleterre, en Australie, en Nouvelle Zélande et au Canada. Ainsi les aéroports londoniens (Heathrow, Gatwick and Stansted) ont été privatisés. Au passage le désengagement des Etats leur a permis de disposer de moyens financiers pour investir dans d'autres domaines.
Les études empiriques sur l'impact de la privatisation des aéroports sont ambiguës : certaines concluent que les prix d'accès aux aéroports ont baissé tandis que, pour d'autres, ces prix ont augmenté suite à la privatisation. Des travaux théoriques et empiriques plus récents proposent une explication à cette ambiguïté.
Les conséquences de la double externalité
Les économistes considèrent maintenant les aéroports comme des plateformes bifaces qui font rencontrer deux types d'utilisateurs, les compagnies aériennes d'un côté et les voyageurs d'un autre côté. Des plateformes bifaces, il y en a partout : les moteurs de recherche sur Internet, les smartphones, les cartes de crédit. Dans ce type de structure, il y a une double interaction : plus il y a d'offres de liaisons aériennes proposées par les compagnies aériennes présentes à un aéroport, plus il y a de voyageurs utilisant les services de l'aéroport, comme les parkings ou les restaurants ; mais plus il y a de voyageurs, plus il y a d'incitations à élargir l'offre de liaisons aériennes.
Cette double externalité a une conséquence : les redevances payées par les compagnies aériennes pour l'utilisation des infrastructures aéroportuaires ne sont pas indépendantes des prix payés par les utilisateurs pour utiliser les services de l'aéroport. Et vice versa.
Tarification cohérente
Or nos travaux empiriques sur les aéroports publics américains montrent que les autorités aéroportuaires appliquent une tarification des services aéronautiques (atterrissage, parking sur le tarmac, etc) indépendante ou ressortant d'une logique économique différente de celle utilisée pour les services non-aéronautiques (comme le prix des parkings). En d'autres termes, les aéroports publics utilisent ce qui est appelé dans le jargon, le principe de la « double-caisse » qui est la cause d'inefficacités économiques.
Parce que les aéroports privatisés ont pour objectif de maximiser leurs profits pour accroître leurs investissements et ainsi maintenir leur rang dans la concurrence entre aéroports, ils sont incités à proposer une tarification cohérente des services aéronautiques et non-aéronautiques prenant en compte la double externalité décrite ci-dessus. Ils tendent à utiliser le principe de la « caisse simple » qui correspond mieux au « business model » des aéroports.
Risque d'abus de position dominante
Si la privatisation peut apporter de l'efficacité au travers d'une meilleure gestion, il ne faut pas oublier qu'il y a un risque de monopolisation et d'abus de position dominante de la part d'une infrastructure qui n'est pas toujours soumis à une concurrence d'autres aéroports. Il y a donc des raisons pour que la puissance publique mette en place au travers d'une autorité de régulation indépendante des mécanismes de prix plafond pour inciter l'aéroport privatisé à ne pas pratiquer des prix trop hauts tout en lui permettant de bénéficier de ses gains de productivité. Soumis à ce type de régulation, au contrôle à posteriori de l'autorité de la concurrence ou faisant face éventuellement à des aéroports concurrents prêts à lui voler son trafic, la privatisation des aéroports peut se révéler une opération bénéfique pour tous les acteurs : l'Etat, les propriétaires et surtout les utilisateurs.
Ce sera le cas de l'aéroport de Toulouse qui est un des facteurs clés de l'attractivité de la Région Midi-Pyrénées et de la future région qui verra le jour après la fusion avec Languedoc-Roussillon.
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