La question internationale du changement climatique n'est plus « quoi faire ? », mais « comment convaincre la quasi-totalité des pays du monde d'agir ». Réponse : avec le Club mondial du climat. « Comment ? » devrait être la question principale de la conférence de Paris sur le climat (convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, dite COP21) de décembre 2015 à Paris. La première solution est de favoriser au mieux le développement du progrès technique dans les énergies propres et décarbonées. La deuxième solution, qui nous occupe ici, est de trouver les bonnes incitations (positives et négatives) pour que tous les pays du monde mettent en oeuvre, durablement et ensemble, des politiques de lutte contre le changement climatique mondial (celles-ci pouvant être résumées par la taxation de la tonne de CO2).
Se battre dans un seul pays ne sert à rien, car le climat est l'archétype du bien public mondial : chaque pays en bénéficie gratuitement sans être puni pour sa dégradation. Même si la France disparaissait comme l'Atlantide, sa contribution au réchauffement climatique mondial (1,2 % du total) serait remplacée par la Chine en un an : la décroissance est une impasse. De même, le protocole de Kyoto (en vigueur depuis 2005) est un échec. Son idée était de répartir des quotas d'émissions de CO2 (équivalents à une taxe carbone) entre pays, en supposant la bonne volonté de chacun. Mais, depuis sa signature, nombre de pays ont décidé soit de ne pas le ratifier (Etats-Unis), soit d'en sortir (Russie, Canada, Australie…), si bien qu'aujourd'hui seule l'Europe est encore soumise aux contraintes de Kyoto.
C'est ici qu'intervient l'idée lumineuse de « Club du climat » développée par William Nordhaus, professeur d'économie à Yale, dans un article de janvier 2015 (« Climate Clubs : Designing a Mechanism to Overcome Free-Riding in International Climate Policy »). Comme le climat est un bien public mondial, il faut des sanctions pour les pays qui refuseraient d'agir. Nordhaus suggère d'utiliser les seules sanctions possibles : celles d'ordre commercial. La proposition centrale de Nordhaus est que les pays qui accepteraient de lutter contre le changement climatique (avec une taxe uniforme sur le CO2 identique pour tous les pays) formeraient le Club du climat, lequel devrait ériger, comme sanction, une barrière douanière uniforme (en plus de ce qui existe déjà) sur tous les biens et services à l'encontre des pays refusant cette lutte climatique mondiale. Entre eux, les pays du Club n'appliqueraient évidemment pas cette barrière douanière. Si suffisamment de pays importants rejoignaient le Club du climat au début (Europe, Chine, Amérique latine), les autres (y compris les Etats-Unis) seraient d'autant plus incités à y adhérer que la barrière douanière serait élevée. Selon Nordhaus, une taxation modérée du carbone entre 30 et 50 euros la tonne et une barrière douanière de 5 à 6 % assureraient que la quasi-totalité des pays rejoindraient le Club du climat.
La beauté de l'idée de Nordhaus est sa simplicité, son efficacité diplomatique (tout le monde devrait finalement se retrouver dans le Club), son efficacité climatique (maximisation au niveau mondial de la lutte contre le changement climatique) et sa robustesse (une fois dans le Club, chaque pays a intérêt à y rester, alors que ceci n'est pas assuré avec Kyoto). Le paradoxe du Club : il utilise un instrument protectionniste (suspect a priori pour les économistes) pour renforcer un bien public mondial, avec, in fine, aucun protectionnisme supplémentaire. L'idée de Club du climat se heurte cependant à un d'obstacle majeur : comment concilier cela avec le droit international de l'Organisation mondiale du commerce ? A la COP21 d'y réfléchir.