La détérioration de la qualité de l’air : une bonne nouvelle pour le climat ?

30 Septembre 2015 Environnement

La détérioration de la qualité de l’air dans les villes est un problème majeur, notamment pour les pays émergents, mais peut-être est-ce, paradoxalement, une bonne nouvelle pour les tenants de la lutte contre le réchauffement climatique. Une large fraction des gaz à effet de serre (GES) sont issus de la combustion des énergies fossiles pour chauffer, produire de l’électricité, circuler ou transporter des marchandises. Brûler du charbon ou du carburant génère d’autres polluants atmosphériques tels que des particules fines, les oxydes de soufre et de nitrate, des composés organiques volatils.


La Chine a ainsi récemment lancé un plan national pour prévenir et contrôler la pollution de l’air incluant un objectif de réduction de l’usage du charbon dans le mix énergétique, un investissement massif dans l’éolien ainsi que dans l’efficacité énergétique. Ces différentes mesures auront comme effet additionnel de réduire les émissions de gaz à effet de serre. Un effet collatéral qui n’est sans doute pas étranger aux engagements pris récemment par la Chine de réduire ses émissions à partir de 2030.

Réalité est plus complexe
Réciproquement, les politiques climatiques telles que la taxe carbone ou les marchés de permis d’émission de CO2 devraient réduire significativement l’usage des énergies fossiles, et donc induire une amélioration de la qualité de l’air, avec un effet bénéfique important pour la santé humaine et les écosystèmes. Différentes études ont estimé monétairement ces bénéfices dans une fourchette de 1,6 à 152 euros par tonne de CO2 avec une moyenne de 28 euros (voir « Implications of Incorporating Air-Quality Co-Benefits Into Climate Change Policymaking » (http://iopscience.iop.org/article/10.1088/1748-9326/5/1/014007/meta;jsessionid=FC2F6EAFCCDAC72C491EDEBBC28459C5.c1), Gregory Nemet, Teresa Holloway et Paul Meier, Environnemental Research Letters, 5/2010).


Ainsi, même un pays qui se ficherait du changement climatique pourrait avoir un intérêt à taxer le carbone pour limiter la pollution de l’air. Une étude récente du Fonds monétaire international a estimé quel devrait être le prix du carbone si on ignore les effets sur le climat mais qu’on ne prend en compte que les bénéfices domestiques joints, dont l’amélioration de la qualité de l’air. Ils ont obtenu 63 dollars par tonne de CO2 pour la Chine et une moyenne de 57 dollars pour les vingt principaux émetteurs.


Ces chiffres sont significatifs, notamment en comparaison avec le faible niveau du prix des quotas d’émission européens (durablement en deçà de 10 euros) (« How Much Carbon Pricing Is in Countries’Own Interests ? The Critical Role of Co-Benefits », Ian Parry, Chandara Veung et Dirk Heine, International Monetary Fund Working Paper 14/174, 2014).


Mais la réalité est plus complexe : une réduction de la pollution atmosphérique locale peut en effet accroître les émissions de gaz à effet de serre ! Remplacer sa voiture diesel par une voiture à essence réduit la pollution de particules fines, mais va conduire à émettre plus de CO2 par kilomètre. Limiter les émissions d’oxyde de soufre et de nitrate en installant des filtres sur les centrales à charbon nécessite plus d’énergie, et émet plus de CO2. Des normes plus sévères préservant la qualité de l’air peuvent donc se traduire par un accroissement des émissions de gaz à effet de serre.


Les coûts prohibitifs
Ce lien ambigu pose le problème de l’articulation entre les politiques publiques locales sur la qualité de l’air et les politiques globales d’atténuation du changement climatique. En particulier, la négociation sur le climat pourrait s’avérer contre-productive pour la qualité de l’air. En effet, on se dirige actuellement vers un accord sur des objectifs nationaux de réduction des émissions de gaz à effet de serre, comme à Kyoto. Lors de la négociation, les pays ne vont pas manquer de mettre en avant les coûts prohibitifs auxquels ils devront faire face pour atteindre ces objectifs, et utiliseront cet argument pour que l’accord leur soit plus favorable.


Retarder la transition vers des sources d’énergie plus propres les place, par conséquent, dans une meilleure position lors de la négociation. Ce type d’accord n’incite donc pas à la vertu : les pays les plus laxistes en matière de qualité de l’air auront droit d’émettre davantage de gaz à effet de serre ! Un bon accord devrait stipuler au niveau mondial soit une taxe carbone, soit un système de permis échangeables avec une allocation neutre des droits à polluer initiaux. Certes, un tel accord reste difficile à construire et à faire accepter, mais il constitue un dispositif capable de donner les bonnes incitations.


Qu’en conclure ? Tout dépend des technologies utilisées pour réduire la pollution et des politiques publiques mises en oeuvre en cas d’accord sur le climat. Soyons optimistes : les technologies phares de la transition énergétique agissent conjointement et de façon positive sur la pollution locale et le climat de notre planète. Espérons que les politiques publiques soient conçues de manière assez intelligente pour exploiter au mieux ces synergies entre pollution locale et globale. Il n’est pas sûr que ce soit le cas à Paris à l’issue de la COP21. En cas d’échec de la négociation, on pourra toujours se consoler en se disant que certains pays vont involontairement oeuvrer pour le climat…en luttant contre la pollution de l’air !

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