La peur de la déception peut nous faire redouter les nouvelles informations, explique Marianne Andries, chercheuse à la TSE et cela entraîne des répercussions importantes sur notre compréhension du comportement des investisseurs. Dans un nouveau document de travail, elle propose une théorie de l'inattention basée sur l'idée de l'aversion des informations. Parfois, ses résultats révèlent qu'une dissimulation de l'information nous est bien plus utile que la transparence.
Lorsque les coûts d'information sont induits par des restrictions technologiques, élaborer des méthodes pour fournir plus d'informations peut engendrer une nette amélioration de l'efficience du marché. Mais le travail de recherche effectué par Marianne révèle que ces politiques ne sont pas toujours souhaitables. Elle explique que "Avoir une vie faite de montagnes russes perpétuelles peut être éprouvant". "Le moyen le plus naturel d'éviter ce stress est de fermer les yeux sur le circuit".
L'idée que les gens veulent se protéger des informations dresse un tableau bien différent de celui dressé par les modèles standards d'inattention. Dans son récent document de travail intitulé 'Information Aversion', la théorie de l'inattention de Marianne se base uniquement sur la peur de l'information et non pas sur les limites cognitives ou sur les coûts externes de l'acquisition de l'information. Dans son modèle, les agents hostiles à la désillusion décident de rester à distance de certaines sources d'information. Ce modèle a de fortes répercussions, il reflète des observations essentielles sur l'information et les comportements à risque en laboratoire et sur le terrain parmi des acteurs des marchés financiers.
Coûts de l'information
Avec Valentin Haddad (UCLA), son co-auteur, Marianne commence par déterminer les coûts endogènes de l'information impliqués par une aversion de la désillusion et constate qu'ils diffèrent fondamentalement des contraintes cognitives et des coûts exogènes couramment utilisés dans les ouvrages économiques sur l'inattention.
En ayant peur de la désillusion, les agents augmentent les probabilités d'arriver à des résultats décevants. Lorsque l'information arrive, chaque nouvelle information donne lieu à une désillusion. L'agent préfère donc recevoir des informations moins morcelées et observer des groupes simultanés d'informations dans lesquels les bonnes nouvelles neutralisent les mauvaises nouvelles décevantes. Une telle aversion de l'information est la conséquence directe du comportement de l'agent face au risque.
Attitude craintive
Pour analyser la façon dont les agents affrontent leur peur de l'information, Marianne observe l'impact de la fréquence d'observation des informations sur l'évaluation des loteries à risque. Elle découvre que son modèle étaie la preuve expérimentale selon laquelle les valorisations par les agents des actifs à risques diminuent lorsqu'ils reçoivent des informations plus fréquentes et plus détaillées.
Elle étudie également la façon dont les agents compensent le coût de l'attention portée à l'environnement économique avec une meilleure prise de décisions. Dans un exemple illustratif, Marianne étudie le comportement d'un investisseur hostile aux informations qui gère la consommation de son patrimoine financier dans le temps, partageant ses économies entre un actif sans risque et un actif à risque offrant un rendement moyen supérieur.
Marianne montre que cet investisseur décide, à raison, d'observer la valeur du portefeuille à risque à intervalles équidistants. Entre les différentes observations, l'investisseur utilise de façon déterministe le portefeuille sans risque et place le reste de son patrimoine financier dans les actifs à risque. Le coût marginal d'une observation occasionnelle est dû à la perte de rendements attendus lorsque davantage de ressources sont placées dans des actifs sans risque. Remarque propre au modèle de Marianne, le bénéfice marginal résulte d'un soulagement de la peur de recevoir des informations.
Marianne en conclut que plus d'investisseurs hostiles au risque sont plus inattentifs. L'attention diminue en période de forte volatilité, même si des rendements plus élevés maintiennent la différence entre les rendements ajustés selon le risque et le taux constant sans risque. Cette prédiction reflète une augmentation du coût marginal de l'information liée à l'augmentation du risque et est conforme aux preuves empiriques récentes.
Fourniture d'informations
Comment les fournisseurs d'informations peuvent-ils mieux répondre aux besoins des investisseurs hostiles aux informations ? Le modèle de Marianne jette les bases d'une théorie de l'information optimale. Ses résultats révèlent que les institutions financières peuvent encourager les investissements en envoyant des signaux de 'détresse' suite aux forts reculs des marchés. Une analyse approfondie de ce sujet fera l'objet d'une recherche ultérieure, mais elle en souligne quelques répercussions.
Une façon d'aider les agents hostiles aux informations est de regrouper les informations fournies à des moments précis. Un tel comportement est conforme aux politiques de divulgation d'informations des sociétés organisées autour d'annonces programmées des résultats. De même, la politique monétaire et d'autres annonces macroéconomiques, tels que le nombre d'embauches ou la croissance trimestrielle, sont divulguées à des moments précis et souvent prévus à l'avance.
Les agents ne veulent pas recevoir des informations trop fréquemment. Toutefois, lorsqu'ils consultent des informations, ils veulent qu'elles soient aussi précises et "transparentes" que possible. Dans l'analyse de Marianne, cela peut s'avérer bénéfique si les fournisseurs s'abstiennent parfois de diffuser des informations, mais la diffusion d'informations partielles ou déformées n'est en aucun cas bénéfique.
Toutefois, Marianne prévient que cette forme de dissimulation d'informations risque de générer des informations asymétriques et que cela risque d'engendrer des problèmes de représentation (notamment entre un investisseur et le gestionnaire de son patrimoine). Pour tenir compte de cette aversion de l'information, des contrats de compensation optimaux doivent prévoir les mesures incitatives requises tout en minimisant les informations nécessaires pour les faire appliquer.