La zone euro a besoin de banques d'essence paneuropéenne et non nationales, présentes sur une partie substantielle de la zone euro. Par définition, des banques de ce type seraient supervisées directement par la BCE, devraient être présentes dans un certain nombre de pays représentant un pourcentage significatif du PIB de la zone euro et ne devraient pas être trop concentrées sur un seul pays. Par construction, ces banques seraient grandes et systémiques. Elles auraient des contraintes de capital, de liquidité et de taille plus légères et plus souples : c'est l'incitation positive à l'exogamie bancaire européenne et au paneuropéisme.
Ces banques pourraient utiliser sans restriction les dépôts d'un pays pour prêter ailleurs. Les autres banques, nationales et plus petites, ne bénéficieraient pas d'un assouplissement des contraintes. Le coeur de mon argument, comme indiqué dans ma chronique du 26 mai dernier, est que la zone euro doit promouvoir des banques paneuropéennes pour absorber les chocs économiques asymétriques et permettre la survie et la prospérité de la zone euro.
Mieux digérer les pertes
Un deuxième argument est que de telles banques pourraient distribuer du crédit indépendamment de l'état du pays. Prenons l'exemple de l'Italie aujourd'hui, qui se meurt d'un « credit crunch » qui asphyxie ses entreprises. Ses banques, presque toutes italiennes et souvent petites, sont percluses de mauvaises créances dont elles n'arrivent pas à se débarrasser. Elles sont par conséquent incapables de lever le capital nécessaire pour prêter plus, car elles sont vues comme purement italiennes, ce qui est aujourd'hui redouté par les marchés financiers.
Cette crise bancaire menace à la fois l'Italie et la survie même de la zone euro. S'il y avait des banques paneuropéennes en Italie, celles-ci pourraient mieux digérer leurs pertes italiennes passées et continuer de prêter aux entreprises italiennes saines. L'Italie démontre bien que, contrairement à la doxa actuelle, en termes bancaires dans la zone euro, « small is not beautiful ; national is not beautiful ».
Convaincre le pouvoir européen
Ne pourraient être considérées comme banques paneuropéennes que celles qui auraient déjà purgé leurs prêts non performants (cf. l'Italie). Il s'agit ici de trancher, une fois pour toutes, le débat sur l'héritage historique des banques. En effet, les Allemands refusent (avec raison) toute mutualisation européenne des risques bancaires tant que les actifs toxiques historiques n'ont pas été purgés. Par ailleurs, cet apurement du passé et la surveillance des banques par l'Europe (la BCE) légitimeraient que ces banques soient les seules à pouvoir bénéficier de la garantie européenne des dépôts et de la possibilité d'être recapitalisées, en cas de crise, directement par le Mécanisme européen de stabilité.
Comment faire accepter cela aux pouvoirs européens ? Le premier argument est que la doctrine officielle (lutter contre les banques « too big too fail ») est peut-être valable aux Etats-Unis ou au Royaume-Uni, où de grandes banques couvrent déjà l'ensemble de la zone monétaire, mais elle est fausse pour la zone euro, où aucune banque n'existe pour mutualiser le risque européen. Le deuxième argument est que la création de banques paneuropéennes est un substitut du fédéralisme budgétaire (que les Allemands refusent aujourd'hui) pour absorber les chocs asymétriques en zone euro.
Si l'Allemagne et l'Europe du Nord ne veulent pas de mutualisation des risques européens par un budget fédéral européen, alors elles doivent accepter de les mutualiser par des banques afin d'éviter toute implosion de la zone euro. Le troisième argument est l'urgence : le Brexit, la crise européenne et la crise bancaire italienne nous forcent à sortir de la routine létale et à renforcer le fonctionnement de la zone euro par une intégration plus forte (mutualisation des risques) et une meilleure régulation paneuropéenne.