En finir pour de bon avec la politique agricole commune

18 Avril 2019 Economie politique

La politique agricole commune (PAC) joue aujourd'hui contre l'Europe, particulièrement contre celle proposée par le président Macron. Elle empêche aussi toute politique européenne de protection du patrimoine.

La PAC, à son origine, était motivée par l'idée d'autosuffisance alimentaire de l'Europe. Le grand homme de la PAC fut Sicco Mansholt : fermier néerlandais, engagé chez les travaillistes, il fut un grand héros de la Résistance hollandaise contre les nazis. Il fut très marqué par la famine que ces derniers imposèrent à son pays pendant « l'hiver de la faim » 1944-1945, qui tua 20.000 personnes et traumatisa toute la population des Pays-Bas. Marqué par cet épisode, Mansholt fut ministre de l'Agriculture des Pays-Bas de 1945 à 1958, puis commissaire européen en charge de l'Agriculture de 1958 à 1972. Il fut le principal instigateur et fondateur de la PAC.
Mais aujourd'hui la PAC a achevé sa mission historique - éviter la faim en Europe. Elle n'a plus de raison d'être, les marchés assurent sans problème une alimentation de qualité pour l'Europe. La PAC n'est plus aujourd'hui qu'un instrument à distribuer des subventions aux agriculteurs, notamment aux plus gros. Or le budget européen devrait financer des biens publics européens d'avenir (climat, recherche, contrôle des frontières, espace, culture…) et non financer un secteur particulier. Il n'y a plus de raison de considérer l'agriculture comme politique européenne, pourtant elle absorbe un tiers du budget européen (1 % du PIB des Vingt-Sept).

Politique agricole française

Tant que la France s'accroche au maintien de la PAC, elle n'a pas de crédibilité à demander une réforme du budget de l'Union européenne. L'Allemagne et l'Europe du Nord ne sont pas prêtes à soutenir les idées du président Macron sur un budget européen plus large, tant que la France n'acceptera pas de réformer la PAC, budget éminemment inefficace et peu européen.

Une solution existe : transférer la responsabilité de la politique agricole aux Etats (renationalisation de la PAC), voire aux régions. Si la France le veut pour elle, le tout se ferait à budget agricole constant, les aides seraient distribuées directement aux agriculteurs de manière égale (environ 1.500 euros par mois par agriculteur à plein temps, en France). Si la France, qui tient tant à la PAC, souhaite aider ses agriculteurs, ce doit être avec de l'argent voté par le Parlement français.

Les vaches ou Notre-Dame ?

Avec  l'incendie de Notre-Dame, nous avons tous ressenti que cette perte affecte non pas seulement Paris, mais toute l'Europe (et au-delà). Si Venise coulait et si Pompéi se dégradait, nous en serions tous tristes, notre culture et notre identité amputées. C'est la marque d'un bien public européen. Le patrimoine européen le plus précieux (Venise, Versailles, la Sagrada Família, Pompéi, Bruges, le Parthénon…) est un bien public européen. A ce titre, il devrait être financé par l'Europe, avec des normes européennes de sécurité et d'entretien élevées (qui auraient peut-être évité l'incendie de Notre-Dame). Comment financer cela ? En prenant sur le budget de la PAC, car le budget européen ne peut être agrandi sans unanimité (qui n'existe pas ici).

Il est temps que l'Europe et la France soient cohérentes dans leurs choix politiques. Vaut-il mieux que l'Europe finance des vaches (et donc subventionne le réchauffement climatique avec la production de méthane par les vaches), ou bien son patrimoine historique et la recherche. De facto, aujourd'hui la France de 2019 vote pour les vaches.

Article publié dans les Echos.fr