Il faut abolir l’école publique
Afin de bénéficier pleinement des possibilités offertes par la mondialisation, les nouvelles technologies d’information et de communications et l’internationalisation des cultures, les pays et les régions doivent développer efficacement leur capital humain. L’éducation, l’apprentissage et la formation continue de même que les compétences et le degré d’employabilité des travailleurs font partie intégrante du processus de développement du capital humain, facteur clé de croissance et de bien-être.
En campagne électorale au Québec, on a soulevé encore une fois des questions sur le rôle et la performance des écoles privées, publiques avec sélection et publiques dites ordinaires. Les chiffres avancés montreraient entre autres que : « Parmi les élèves qui fréquentent le public ordinaire au secondaire, à peine 15 % iront à l’université. Pour le public avec sélection, le taux est de 51 %. Et pour le privé, c’est 60 % .1 »
La gouvernance de notre système éducatif, basée sur une cogestion centralisée État-syndicats et minée par les conflits d’intérêts endémiques où le concepteur et le fournisseur de services et l’évaluateur de performance relèvent fondamentalement de la même autorité, semble difficilement capable de répondre adéquatement aux besoins et intérêts des élèves. Non pas par manque de compétence, mais par manque d’intensité des incitations.
Le système scolaire souffre ainsi d’une gouvernance mal conçue menant à un gaspillage important de ressources. Le tout empêtré dans une dichotomie gauche-droite, un concept vieilli et dépassé.
La solution devrait sauter aux yeux : il faut ABOLIR l’école publique telle qu’on la connaît aujourd’hui.
Dans une véritable social-démocratie, la fixation des objectifs de performance doit relever de la responsabilité fondamentale de l’État, tandis que la fourniture des services d’éducation et de formation continue doit relever d’entreprises et d’organisations du secteur concurrentiel, amenées de manière incitative et décentralisée à atteindre les objectifs fixés par l’État. Les mots-clés de la réforme nécessaire sont obligation de résultats et de rendement, concurrence, modularité et expérimentation de meilleures pratiques.
L’élève au centre du débat
Replacer l’élève au centre du débat réaffirmera le rôle essentiel que jouent les enseignants, les parents, les médecins, les psychologues et les autres membres du personnel d’encadrement dans la formation et l’éducation. Par la mise en place de mécanismes de concurrence et d’incitation, on réaffirmera la noblesse du métier diversifié d’enseignant. Les bons professeurs bien motivés qui enseignent ou voudront enseigner dans nos écoles bénéficieront de cette révolution organisationnelle. Les enseignants moins performants quitteront forcément le système et s’orienteront vers d’autres métiers.
Les responsabilités du secteur gouvernemental sont d’abord de déterminer les seuils de compétences que les élèves devront atteindre aux différents stades de leur formation et ensuite de gérer les contrats de performance passés avec l’ensemble des entreprises concurrentielles intervenant au sein du système éducatif.
Seuls les objectifs de compétence ont besoin d’être fixés. Les méthodes utilisées pour atteindre ces objectifs seront définies dans les offres des entreprises et des organisations du secteur concurrentiel, et ce, afin d’assurer un niveau adéquat de modularité et d’expérimentation dans la recherche des meilleures pratiques.
Le processus d’appel d’offres sera mené de manière claire et transparente afin de favoriser le développement de la concurrence entre les entreprises du secteur de l’éducation.
On peut identifier six principaux agents ou acteurs du système éducatif : les élèves, le secteur gouvernemental, les fournisseurs concurrentiels de services d’éducation, les fournisseurs concurrentiels de biens et services auxiliaires (cantines, garderies, activités de loisir, entretien et modernisation des écoles et équipements), les directeurs intégrateurs responsables de la gestion des responsabilités croisées des deux groupes d’acteurs précédents, et les fournisseurs concurrentiels de procédures et de méthodologies d’évaluation de performance.
Les quatre derniers acteurs n’agiront que dans le cadre de contrats incitatifs (paiements contractuels en fonction de l’atteinte des objectifs) signés avec le secteur gouvernemental (municipal, régional ou national) avec l’objectif explicite de satisfaire les besoins des principaux intéressés, les élèves.
On se débarrasserait ainsi des écoles publiques telles que nous les connaissons actuellement en faveur d’un système scolaire où les organisations du secteur concurrentiel (entreprises privées, coopératives, organisations à but non lucratif, organisations de l’économie sociale, organisations communautaires de travailleurs, etc.) devront démontrer leur compétence et se concurrenceront pour obtenir les contrats de services éducatifs.
On passerait d’un système d’écoles publiques à faible responsabilité et à faible rendement à un système d’écoles concurrentielles de haut niveau financées publiquement et encadrées par des contrats incitatifs à durée limitée. Le secteur gouvernemental resterait ainsi le principal responsable de la qualité du système éducatif.
Les principaux bénéfices de cette nouvelle gouvernance sont nombreux. Le niveau d’encadrement et de soutien à la réussite scolaire ne sera plus identique dans toutes les écoles. Afin d’accompagner des élèves issus de milieux défavorisés, les entreprises du secteur concurrentiel, contraintes par l’obligation de résultats, offriront des services qui, selon les besoins spécifiques des élèves, intégreront un personnel, enseignants et autres, plus qualifié et, par conséquent, mieux payé. Les mécanismes concurrentiels prendront naturellement en compte cette réalité. On assurera ainsi par l’intermédiaire des processus concurrentiels une véritable égalité des chances à tous les élèves.
Article paru le 28 septembre 2022 dans La Presse
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