Climat : chronique d'un réchauffement annoncé

15 Juin 2017 Climat

Le monde se voile la face devant la catastrophe climatique annoncée, jouant avec des effets d'annonce autour d'illusoires compromis. Déjà en 2009, l'ONU s'était vantée de ce que la conférence de Copenhague aboutissait au « premier accord réellement mondial » pour limiter l'augmentation de la température à 2 °C. L'Accord de Paris n'a pas échappé à cette règle, se targuant de vouloir la limiter à 1,5 °C alors même que les efforts annoncés sur la base du volontariat vont conduire, d'après les experts, à une augmentation supérieure à 2,5 °C de la température du globe, et bien davantage si ces engagements non contraignants ne sont pas tenus. Les optimistes mettent en avant que, depuis trois ans, les émissions mondiales de CO2 stagnent, pour la première fois et ce grâce aux efforts menés par la Chine. Mais ces efforts ne sont pas engagés pour préserver le climat, simplement pour limiter une pollution locale qui tue des millions de Chinois. Il faudrait aller bien plus loin, diminuer les émissions pour limiter le réchauffement ! 

La COP21 et les rodomontades de Trump sont anecdotiques. Une étude en cours des économistes Thomas Sterner et Samson Mukanjari tend à le confirmer en montrant que ni la signature de l'Accord de Paris sur le climat, ni l'annonce par Trump du retrait des Etats-Unis n'aurait eu un effet significatif sur le cours boursier des industries du charbon. Pourtant, cette énergie fossile devrait être la première victime d'un effort coordonné en faveur du climat - plutôt que le pétrole qui bénéficie encore aujourd'hui d'un avantage en termes de coût. De fait, aucun accord international sur l'environnement n'a véritablement eu un effet significatif, à l'exception du protocole de Montréal, destiné à éviter le trou dans la couche d'ozone. Dans ce cas très spécifique, l'effort à réaliser était faible et l'enjeu suffisamment fort et incontestable pour convaincre les pays de se coordonner via des mécanismes contraignants et incitatifs. La situation est bien différente dans le cas du climat : chacun adopte des comportements de « passager clandestin », en laissant aux autres le soin de réduire la pollution. Même le fameux protocole de Kyoto, signé en 1997 et censé contraindre jusqu'en 2012 les émissions de gaz à effet de serre de 37 pays industrialisés, n'aurait servi à rien ! Les économistes Christian Almer et Ralph Winkler ont montré en 2016 que celui-ci n'a eu aucune influence sur les niveaux d'émissions. Des travaux antérieurs avaient donné l'impression du contraire, mais se trompaient en lui imputant un effet dû à la chute de l'Union soviétique. Lorsque l'on retire de l'analyse les pays de l'ex-URSS, dont les émissions ont chuté avec la récession économique des années 1990, l'impact alors attribué aux négociations climatiques disparaît !

L'annonce de Trump n'est pas une mauvaise chose si elle met fin à l'hypocrisie et la naïveté qui entourent les négociations climatiques. En théorie, une solution crédible existe et passe par des accords contraignants, incitatifs, limités dans un premier temps à un petit nombre de pays. La mise en oeuvre pourrait se faire en interconnectant les marchés d'émission de CO2 déjà existants en Chine, en Europe, dans certains Etats nord-américains. L'Europe et ces Etats financeraient alors implicitement l'effort supplémentaire de la Chine à travers le rachat de permis d'émissions. Il faudrait également taxer aux frontières les pays non membres afin de les inciter à intégrer la coalition, et d'éviter que tout cela ne se traduise par la délocalisation de nos industries polluantes vers des pays non respectueux de l'environnement, un phénomène dit de « fuite de carbone », qui pourrait compromettre l'efficacité du dispositif. C'est la piste engagée ces derniers jours avec la perspective d'accords bilatéraux entre la Chine et l'Europe, ou avec la Californie, mais le temps presse et nous en sommes encore très loin. Le véritable espoir est peut-être ailleurs, dans une innovation qui rendrait obsolètes les énergies fossiles...

 

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